Le Japon à deux doigts de devenir le premier marché musical mondial

Comme chaque année, la Recording Industry Association of Japan a publié il y a quelques semaines son bilan annuel du marché musical japonais, propulsé récemment premier marché mondial de la musique enregistrée sur support physique. Résultat des courses : des indicateurs tous au vert ou presque, un rebond spectaculaire de la production de supports physiques (CD et DVD) après 13 ans de chute, et une domination du Japon largement confirmée en ce qui concerne ces mêmes supports physiques. Mieux encore : les tous derniers chiffres internationaux placent le Japon plus près que jamais de rafler la place de premier marché mondial tout supports confondus, à un rien des USA !

Les chiffres du marché intérieur : la production musicale japonaise

RIAJ

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Détaillons comme d’habitude les chiffres du marché intérieur nippon pour l’année 2012. Première satisfaction : la production d’enregistrements audio repart à la hausse après plusieurs années de morosité, avec 218 millions d’unités (+9%), tandis que les supports videos confirment un retour de croissance solide (+23% par rapport à 2011 avec 73 millions de vidéos produites). En revanche le marché du téléchargement accentue sa chute avec une troisième année consécutive de baisse, cette fois drastique : -26% à 271 millions d’unités vendues. En valeur, la production d’enregistrements audio reprend 8%, les recettes sur les videos gagnent 18%, et le téléchargement légal voit ses revenus chuter de 25% à 54.3 milliards de yens. En termes de parts du chiffre d’affaires global, la chute du marché du téléchargement est impressionnante (5 points de moins pour ne représenter plus que 15% des recettes en 2012), tandis que les supports audio s’adjugent 62% des recettes, les 23% restants allant aux videos. Le valeur totale de la production des supports physiques audio+video s’élève donc à 310.8 milliards de yens, soit une superbe croissance de 10% après 13 années consécutives de baisse ! Téléchargement inclus, la valeur de la production musicale nippone gagne 3% par rapport à 2011 pour un total de 365.1 milliards de yens.

Dans le détail pour les supports physiques, le CD single stabilise ses bonnes performances de ces dernières années, toujours tiré vers le haut par les AKB48 et les groupes de la Johnny’s Jimusho : 64,8 millions d’unités produites (+4%) pour une valeur de 444 milliards de yens (+3%). 5 singles ont dépassé le million en 2012, tous signés AKB48, dont un a même franchi la barre des 2 millions d’une première depuis 2003). Les albums rattrapent une bonne partie de leur baisse de l’an dernier grâce à une croissance de 12% (150.3 millions d’unités mises sur le marché pour 9% de recettes supplémentaires à 180.2 milliards de yens); ce sont surtout les albums d’artistes japonais, dont la production croît de 18%, qui supportent cette embellie. Le marché des vidéos affiche pour sa part une santé insolente : la production de DVDs a augmenté de 18% en 2012 (pour « seulement » 11% de recettes en plus, témoignant d’une nouvelle baisse de prix), tandis que les Blu-Ray ont encore quasiment doublé leurs recettes (3.98 millions d’unités pour une valeur de 12.2 milliards de yens).

Du côté du téléchargement légal, l’exception culturelle nippone est de plus en plus menacée par l’arrivée massive des iPhones et autres smartphones Android dans l’archipel, après des années de résistance (et d’avance technologique) des constructeurs nationaux sur le marché de la téléphonie : nous sommes donc dans une période de transition qui explique les indicateurs en baisse. En effet, le téléchargement sur téléphone mobile, plébiscité par les Japonais pendant de longues années, accélère sa chute (-37% à 192.5 millions de titres vendus, et même -40% de recettes pour un total de 34.8 milliards de yens). Dans le même temps, le téléchargement sur Internet confirme un essor important avec 77.1 millions d’unités téléchargées (+26%) représentant 18 milliards de yens de revenus (en hausse de 43%, ce qui incite à penser que les distributeurs tels que iTunes ont senti le vent tourner et en ont profité pour augmenter leurs tarifs…). En termes de part de marché, le mobile ne représente plus que 64% du marché dématérialisé en 2012 contre 81% en 2011, tandis qu’Internet passe de 17 à 33%. Le format chaku-uta est définitivement en perte de vitesse, avec un nombre de titres vendus en baisse de 47% etre 2011 et 2012 (45.2 millions d’unités), tandis que le chaku-uta full perd 40% en volume, et que le nombre de vidéos téléchargées sur mobile chute carrément de 56%. Pour finir un chiffre impressionnant : alors que pas moins de 45 titres avaient dépassé le million d’exemplaires vendus au format chaku-uta en 2006, et encore 12 en 2011, l’année 2012 n’a connu qu’un seul et unique single millionnaire (en l’occurrence c’est même de la triche, puisqu’il s’agit de Lovers Again d’EXILE qui a franchi la barre des 2 millions de copies écoulées… 6 ans après sa sortie…).

Contrairement aux apparences, les maisons de disques jouent la diversification !

Si les ventes de disques sont plus nombreuses, elles sont aussi plus variées, les éditeurs semblant retrouver un peu d’audace (et de liquidités). Le nombre de nouveaux singles mis en vente en 2012 croît à nouveau de près de 17% en 2012 avec 3451 nouveaux titres sur le marché. Le catalogue albums repart également à la hausse après 5 ans de baisse : 11.625 nouvelles références ont été commercialisées en 2012 contre 10.382 l’année précédente. Au rayon DVD musicaux là aussi tout va pour le mieux : 1355 nouveaux titres en 2012 contre 1200 en 2011. Quant aux Blu-Rays, leur expansion se confirme puisque ce sont 352 éditions qui ont été lancées en 2012, près du double de l’année passée. Ultime confirmation de ce retour à une certaine forme d’investissement de la part des maisons de disques : le nombre d’artistes ayant fait leurs débuts en 2012 explose de façon spectaculaire avec 501 nouvelles têtes sur le marché, soit tout de même 140 de plus qu’en 2011.

Le Japon fait quasiment jeu égal avec les Etats-Unis sur le marché mondial !

Pour finir comme toujours, les comparatifs internationaux tant attendus, avec la publication de deux séries de chiffres globaux, l’une pour 2011 et l’autre, avec beaucoup d’avance, pour 2012. Les statistiques confirment donc que le Japon conserve et conforte sa place de premier marché mondial de la musique sur supports physiques, acquise en 2010. Mieux : avec une valeur totale de 4.42 milliards de dollars en 2012, le marché nippon tous supports confondus talonne désormais les Etats-Unis qui pèsent aujourd’hui 4.48 milliards de dollars. A noter que le Royaume-Uni a chipé la troisème marche du podium à l’Allemagne à la faveur d’une appréciation de la livre sterling, tandis que la France reste 5ème. La Corée du Sud était en 2011 et 2012 le 11ème marché mondial, avec toutefois une baisse de 4.3% d’une année sur l’autre : on est loin de l’explosion tant de fois mentionnée. A noter enfin que la Chine a fait en 2012 son entrée en queue du top20 avec une croissance solide de 9%, essentiellement portée par la dématérialisation de 82% de son marché.

Selon toutes vraisemblances, à moins que la dépréciation récente du yen ne s’accentue, le Japon devrait donc, à la faveur de la forte croissance du téléchargement sur internet et de son attachement solide aux supports physiques, ravir aux Etats-Unis la place de premier marché musical mondial en 2013, tous supports confondus. Un tournant historique qui couronnerait l’attachement indéfectible des japonais à leurs artistes et à leur industrie musicale, puisqu’ils sont de longue date déjà les plus gros consommateurs de musique au monde en termes de nombre de disques vendus par habitant. Rendez-vous l’année prochaine pour le bilan 2013 !

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