Critique album : MIYAVI – SAMURAI SESSIONS vol.1

Il y a un peu plus de deux ans, j’avais consacré la journée de la gentillesse à MIYAVI Un coming out qui en a surpris plus d’un, moi le premier à vrai dire, tant l’artiste a cristallisé pendant des années tout le mépris que m’inspirent les représentants du courant Visual Kei. Mais le fait est que depuis l’album This Iz The Japanese Kabuki Rock, MIYAVI a opéré un virage plus que salvateur, et fait ses preuves en tant que musicien en écumant les festivals, y compris sur de nombreuses scènes françaises. Agréablement surpris par ses deux derniers albums, j’ai fini par me décider à suivre ses travaux, et les deux derniers singles en date en collaboration avec KREVA et YUKSEK ont explosé sans peine mes dernières réticences. L’annonce de ce (court) album collaboratif intitulé SAMURAI SESSIONS vol.1, avec une liste de guests éclectique et alléchante, était donc pleine de promesses…

En octobre 2011, MIYAVI dévoilait donc STRONG, duo avec le rappeur KREVA. Construite sur une base hip-hop à l’orchestration épurée, très urbaine, la chanson se chargeait progessivement d’une petite touche électro-industrielle, grâce notamment à des hi-hats bien trouvés. Le mariage de la guitare incisive de MIYAVI avec le flow très fluide de KREVA donnait ainsi naissance à un titre très solide, au refrain aussi simple qu’efficace. Plus surprenant : en juillet dernier, c’était au tour de YUKSEK, l’un des producteurs de musique électronique français les plus en vue du moment, d’apporter sa touche au travail de MIYAVI. Intitulé Day1, le single tiré de cette rencontre est sans conteste l’une des meilleures productions de l’année en cours : indéniablement puissant avec de bonnes basses bien percussives et un tempo emporté, le titre est un véritable hymne club, agrémenté d’une guitare compressée au son très moderne et porté par un refrain littéralement rugi du meilleur effet. En clair : une bombe !

 

On ne sait pas toujours vraiment qui est l’invité de qui, mais qu’importe !

On retrouve ces deux singles sur SAMURAI SESSIONS vol.1, accompagnés de 4 autres titres (et une intro bien trop courte co-produite par le duo de DJ HIFANA) tous dotés d’une personnalité propre. Ainsi SILENT ANGER aurait définitivement pu être un morceau de the HIATUS, d’une part parce que le timbre de Takeshi Hosomi (ex-tête de gondole du groupe ELLEGARDEN) est reconnaissable entre mille, et d’autre part parce que la compo et ses arrangements ont ce petit côté ambient et ces arrangements à la fois doux et complexes caractéristiques des derniers travaux du groupe, piano inclus. Ceci explique sans doute pourquoi cette piste est la seule du CD où l’artiste invité est également crédité à la composition, et pas seulement aux instruments. Morceau difficile à classer à la composition riche, SILENT ANGER pourra être qualifiée de ballade post-rock / shoegaze, en tout cas très réussie, totalement planante. La guitare y joue un rôle très discret qui est toutefois une vraie valeur ajoutée. Ambiance jazzy piano-bar de rigueur en revanche sur PLEASURE!, sans surprise puisqu’il s’agit d’une collaboration avec le singulier pianiste H-ZETT-M. L’instru mêle riffs de guitare électrisée, piano et rythmique pressée imprimée par une batterie légère. Rapidement le morceau perd toute prétention, pour devenir très lumineux. Les musiciens se font plaisir, dialoguant chacun armé de son instrument. Mais le chant reste présent, avec notamment un refrain très joyeux, dont les choeurs féminins ont un petit côté boeuf de fin de soirée de mariage…

La principale surprise vient de HA NA BI, probablement le meilleur inédit du disque. Le morceau propose un mariage de cordes certes pas vraiment inédit mais souvent très enthousiasmant entre la guitare sèche en slapping de MIYAVI, le shamisen du prodige Hiromitsu Agatsuma, et la teinte andalouse amenée par le guitariste de flamenco Jin Oki. La combinaison fait particulièrement mouche à la faveur d’une rythmique enlevée franchement exaltante, mais sait également se montrer subtil avec notamment un pont qui réduit quasiment les instruments au silence avant de leur redonner progressivement la parole. Le résultat est très classe, très inspiré, et incarne très bien le cliché trop souvent agaçant du Japon « entre tradition et modernité ». L’album se conclut enfin, ou plutôt devrais-je dire « déjà », sur un duo plus « conventionnel » avec la chanteuse Miu Sakamoto (dont l’ami Van nous parle de temps en temps, et qui n’est autre que la fille du célébrissime musicien Ryuichi Sakamoto). Il s’agit d’une chanson douce, acoustique, très aérienne, à l’intro longue assumée, où la voix à la fois profonde et très légère de Miu Sakamoto  fait merveille et s’unit de façon très jolie avec celle de MIYAVI dont le timbre légèrement rauque est décidément superbe dans les murmures. On reconnaît aussi la patte éclectique et concise de Seiji Kameda qui habille l’ensemble d’une exquise ligne de basse. C’est incontestablement ciselé et charmant, là encore une belle réussite !

Dans l’ensemble sur cet album, MIYAVI n’est pas tombé dans le piège de faire encore et toujours du MIYAVI, avec le risque de tourner un peu en rond à force de démultiplier les morceaux construits sur sa sempiternelle boucle de guitare en slapping ou en picking. Il a au contraire eu l’intelligence de toujours mettre son instrument au service de l’identité artistique de ses invités, au point que l’on a presque l’impression d’écouter une compilation de titres où c’est MIYAVI qui vient habiller de sa touche les productions des autres. La collaboration est en tout cas étroite, et cette démarche démontre une certaine humilité dans l’approche, doublée d’un véritable éclectisme et d’une étonnante faculté d’adaptation : autant de qualités qui consacrent indubitablement MIYAVI comme un vrai créateur et musicien de talent. On est définitivement très, très loin de l’univers Visual Kei extrêmement pauvre dans lequel l’artiste avait fait ses débuts. L’album est riche, varié, sans pour autant y perdre une seconde en cohérence, et l’on ne peut qu’espérer que le suffixe « vol.1″ flanqué au titre du CD soit annonciateur d’une nouvelle mouture à venir pour ce projet. Du très beau travail !

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