Critique album : Mao Abe – Pop

C’était mon grand coup de coeur de l’année 2009, je crois l’avoir suffisamment répété, aussi cela n’étonnera personne si je hurle combien j’attendais cet album avec impatience (ce qui ne m’a pas empêché de mettre 3 mois à pondre ce billet, passons…). Le deuxième opus de Mao Abe est sorti fin janvier, et il confirme en tous points les constats et surtout les espoirs nés de l’album précédent. Mais puisqu’à chacun de mes écrits sur cette artiste il semble y avoir un ou deux nouveaux retardataires pour rattraper le train en route et découvrir enfin ses charmes, voici donc une nouvelle occasion de rafraîchir un peu les setlists de tous les fans de Jpop qui s’ennuient beaucoup ces derniers temps…

L’album Free, premier opus de Mao Abe, m’avait séduit en tous points : variété des compositions et des registres musicaux abordés, qualité exceptionnelle des arrangements, et surtout richesse incroyable de l’interprétation de la part d’une chanteuse d’à peine 19 ans ! Autant dire que la jeune fille nageait à contre-courant, dans un marché où l’étiquette et le formatage restent rois… Et une chose est sûre, c’est que ce n’est pas avec ce deuxième disque que Mao va rentrer dans le rang !

S’il fallait comparer Mao Abe à une figure un peu plus connue du grand public, ce serait probablement Ai Ôtsuka. Mais ne vous méprenez pas, la comparaison n’a rien d’une équivalence. Comparer les talents multiples de Mao Abe à ceux d’Ai Ôtsuka, c’est un peu comme comparer le rock de the brilliant green à celui de school food punishment, les qualités de danseuse de BoA à celles de Britney Spears, le charisme scénique d’ELLEGARDEN à celui des SMAP : les seconds ont beau être les stars les plus médiatisées, ils n’arrivent pas à la cheville des premiers. Ainsi Mao Abe peut-être décrite comme ce que serait devenue Ai Ôtsuka si elle avait réellement su chanter, si elle avait eu plus d’une corde à son arc, si elle n’avait pas été encouragée à pondre des morceaux abrutissants aux arrangements rose bonbon et aux paroles avilissantes, bref, si elle avait eu un peu plus de talent et n’était pas passée sous l’étiqueteuse bulldozer d’avex.

Le deuxième album de Mao, intitulé Pop, regorge toujours de morceaux pop-rock voire carrément rock’n'roll ravageurs (Mada, Tsutaetai koto, Wakaru no…), où la chanteuse roule parfois furieusement ses r comme peut le faire son illustre aînée Shiina Ringo, dont elle est grande fan. On a bien sûr droit aussi à quelques ballades en sachet avec leur béchamel de violons, mais qui remplissent plutôt bien leur office : Itsu no hi mo est de loin celle qui présente le plus grand potentiel commercial (ce qui s’est d’ailleurs vérifié dans les charts chaku-uta et le classement Billboard), mais on lui préfèrera le touchant Anata no koibito ni naritai no desu, ou encore 15 no kotoba. Et puis une nouvelle fois, Mao nous sert quelques merveilles folk, à l’image du déchirant et dépouillé Tsugou no ii onna no uta accompagné d’une simple guitare sèche, ou du déjanté Salaryman no Uta qui rappelle, excusez du peu, le maître Naotarô Moriyama dans le côté très théâtral de son interprétation. Rajoutons à ça quelques OVNI, comme Loving Darling (un alter ego boosté aux hormones de l’horripilant SMILY d’Ôtsuka) ou encore Monroe dans un registre plus electro-pop-kawaii inspiré des Perfume (sic), et nous obtenons un cocktail réellement détonnant, qui déverse une multitude d’émotions tout en témoignant de qualités techniques très très au dessus de la moyenne.

C’était déjà évident après le premier album, mais c’est cette fois incontestable : Mao Abe a tout d’une grande, d’une très grande auteur-compositeur-interprète. Tout sauf peut-être l’âge, un ou deux ans de plus qui lui confèreraient une plus grande crédibilité aux yeux du public de son style musical, probablement un peu plus âgé qu’elle. Les chansons de Mao allient tous les impératifs d’efficacité commerciale avec une maîtrise de sa voix complètement bluffante, une personnalité artistique riche et bien trempée, et une couleur très authentique dans l’orchestration. Très à l’aise en live, la chanteuse peut s’enorgueillir de performances commerciales en net progrès (plus de 50.000 copies vendues pour ce deuxième album, c’est plutôt pas mal compte tenu de l’absence totale de promotion dont elle a fait l’objet), et on ne peut donc que lui souhaiter qu’elle creuse doucement mais sûrement son trou. Il paraît qu’elle n’a guère écrit qu’un ou deux morceaux qui l’aient réellement satisfaite ces deux dernières années, capitalisant sur ses compositions amassées avant ses débuts major. Avec un tel niveau d’exigence, pour peu que l’inspiration lui revienne, c’est la promesse de nombreux bons moments de musique en perspective pour les prochaines années.

Album disponible, de même que le prochain single en précommande pour juin, sur CDJapan et Yesasia.

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