Live report : ONE OK ROCK au Bataclan (Paris)

Voilà bien cinq ans que l’on attendait ça ! Cinq ans durant lesquels une poignée de personnes plus ou moins influentes du milieu j-popophile français, rejointe progressivement par la communauté des fans unis comme rarement, a fait des pieds et des mains pour tenter de convaincre ONE OK ROCK de faire le voyage de ce côté du globe. Le management du groupe a longtemps opposé une fin de non recevoir à ces supplications, expliquant préférer se concentrer sur le développement de la carrière nippone du quintet quatuor. Bien leur en a pris au vu du chemin parcouru depuis ! La popularité de ONE OK ROCK étant désormais confortablement assise, le groupe se fait enfin plaisir en venant recueillir les louanges de ses fans européens, et comme prévu les places se sont écoulées à la vitesse de l’éclair pour une série de concerts qui s’est naturellement avérée dantesque. 10 jours plus tard, je ne m’en suis personnellement toujours pas remis, et je me décide donc à écrire un petit quelque chose, histoire d’essayer d’exorciser. Oui je sais, c’est pas gagné…!

(Petit aparté pour ceux qui passent ou passaient plus ou moins régulièrement par ici : je me dois de préciser que ce billet n’annonce aucun regain durable d’activité sur ce blog. Le temps et la motivation me font toujours terriblement défaut depuis plus de 6 mois maintenant . Imaginez-vous, même l’album de Namie Amuro et ses hymnes pour salles de sport à l’ENGURISH flamboyant ne m’ont pas fait sortir de ma caverne, c’est dire ! Mais après tant d’années passées à hurler mon espoir de voir enfin ONE OK ROCK jouer en France, après un concert aussi phénoménal que celui du Bataclan, et après constat du nombre finalement assez faible de live reports mis en ligne là où je m’attendais à lire 1000 fois les mêmes éloges dithyrambiques un peu partout, j’ai fini par me décider ! Je rassure toutefois les quelques détracteurs qui me restent : ce billet sera plus subjectif que jamais, écrit avec les tripes, son lot de métaphores culinaires, de vannes à deux yen six sen, de digressions qui n’intéresseront personne, de refrains « efficaces et fédérateurs » et de vulgarités noyées dans des phrases interminables. Enjoy !)

Les conseils de Pépé Kéké pour passer un bon concert

Conseil n°1 de Pépé Kéké pour que le meilleur concert de l’année soit encore plus le meilleur concert de l’année : commencez par arriver tôt, ça change tout. S’il fait froid, s’il pleuvote, si Catherine Laborde annonce une tempête de fin du monde sur Paris, ce n’est pas grave. Si vous êtes importuné par un clochard avec des légumes, une guitare et des cactus fanés (sic) sur son vélo et une fleur rose accrochée au mollet, ce sera encore mieux. Si une pauvre demoiselle effarouchée vous accuse, outrée, d’essayer de la griller dans la file d’attente, et que pour éviter de bousiller l’ambiance vous devez restez courtois lorsqu’il s’agit d’expliquer à cette grosse connasse que vous avez rien à branler de gagner une pauvre place dans la file parce que de toute façon vous dépassez tout le monde d’une tête du haut de votre mètre 88, là aussi, réjouissez-vous ! Tout ce qui pourra rendre l’attente longue et dure sera bienvenu (j’ai dit l’attente, pas la tante, hein…) (j’avais prévenu !). Parce que l’attente (pas la tant… ok j’arrête) est littéralement la moitié du plaisir, elle est indispensable pour bien rentrer dans l’ambiance de l’évènement et faire monter la pression jusqu’au climax qu’est l’entrée des artistes sur scène.

Conseil n°2 de Pépé Kéké : entourez-vous bien quand même. Pas seulement d’une écharpe et d’un truc un peu plus chaud que la petite veste mi-saison achetée la veille, mais aussi et surtout de bons amis. C’est quand même bien plus sympa quand on peut passer 5h30 à faire des vannes honteuses, sniffer des rails de chocolat, faire des quiz sur les gagnants de la Star Ac et autres Nouvelle Star, et saouler son entourage à coup de refrains efficaces et fédérateurs (check) tirés des discographies de Tal, M.Pokora, Début de Soirée, les 2Be3 ou encore Francis Lalanne (Pense à moiiii, comme je t’aaaaimmeuh…). Spéciales dédicaces à Alex et Cyrielle que le monde entier m’envie sans le savoir; à Marc dont la participation de dernière minute m’a fait au moins autant plaisir qu’à lui tant j’ai apprécié sa compagnie durant mon séjour parisien; à l’ami Thomas dont les mésaventures pré et post-concert mériteraient une page dédiée sur viedemerde.fr, et au compère Matthieu qui porte franchement le jaune mieux que personne !

La setlist ? Celle du (probable) futur best-of de ONE OK ROCK… mais en direct live !

Début du concert un peu avant 20h30 dans une salle évidemment bondée et chauffée à blanc, sur l’intro de l’album Jinsei x Boku wa. La setlist plutôt courte sur le papier tiendra tout de même plus d’une heure et demie avec 15 titres tous issus des trois derniers albums du groupe. Dommage pour les vieux fans qui auraient aimé entendre un Yume Yume, un My sweet Baby ou un Koi no Aibou Kokoro no Kupido, mais croyez-moi, ça n’aura pas empêché le groupe de lâcher une trépidante série de bombes sans la moindre demi-seconde de temps mort. C’en est d’ailleurs très impressionnant : c’est peut-être la première fois que j’assiste à un concert où il n’y a pas ne serait-ce qu’une seule chanson où la pression retombe un peu. Que ce soit avec les rares ballades de la soirée ou sa panoplie très large d’hymnes rock variés, ONE OK ROCK aura réussi à conserver l’attention -et la tension- totale de ses fans de la première à la dernière minute du show.

Ceux qui ont eu la chance de voir le dernier DVD live du groupe auront reconnu le même trio d’ouverture : Ending Story?? avec sa déferlante de guitares et son pont rappé ravageur, Deeper Deeper et son refrain qui défriserait à lui seul les choucroutes de tout un stade de fans d’André Rieu (caniches abricot inclus), et Nothing Helps dont la popularité n’est plus à prouver. Je dois avouer une petite frayeur sur le premier morceau : la voix de Taka était à peine audible dans le brouhaha assez violent des instruments, faisant craindre une sacrée déception. Mais les sonorisateurs ont réagi très vite, et moins d’une minute après les rugissements du chanteur se sont faits hauts et clairs, aidés en cela tout de même par une bonne dose de reverb et un chouilla de retouche live dont il n’a pourtant pas besoin.

Taka Taka Taka Taka Taka Taka Taka Taka Taka Taka Taka Taka Taka Taka…..

Ben oui, encore Taka… Ce type est un phénomène, c’est tout bonnement incroyable. Certes, Toru nous sort de jolies choses avec sa guitare et est plutôt doué pour aguicher les filles, bien qu’il soit aussi crédible en bad boy qu’un chaton qui tenterait de se faire passer pour un tigre du Bengale entre deux tétées. Certes, Ryôta est un excellent bassiste aux abdos irréprochables, bien qu’ultra-favorisés par sa génétique de crevette grise. Certes, Tomoya est un monstre dont on se demande à quelles pilules il carbure pour être capable d’assurer un live avec une telle débauche d’énergie tout en conservant une précision d’horloger même dans les rythmiques les plus ardues. Mais alors Taka… J’ai bien conscience que plus j’accumulerai les superlatifs, plus les compliments perdront en crédibilité, et pourtant… Du haut de ses 25 ans, le minet formé à l’école Johnny’s a bien grandi, et en dépit de performances déjà exceptionnelles il ne cesse de progresser, si bien qu’on en vient à se demander où il s’arrêtera. Son occupation de la scène est stupéfiante, tant dans le défoulement à coups de headbangs, sauts jambes écartées à 2m du sol et autre micro qu’il fait tournoyer par son câble, que dans les moments plus solennels ou intimistes. Son charisme est foudroyant : c’est fou comme on peut ne voir que lui même lorsqu’il est planté derrière son micro pour nous chanter une ballade. Ses catchlines hurlées en anglais sonnent bien, son petit côté j’m'enfoutiste a juste ce qu’il faut de rudesse pour se la jouer star, tout en faisant très vite dégonfler son melon en montrant qu’il sait aussi rire de lui-même. Bref, Taka a tout pour lui. A commencer bien sûr par sa voix.

Je pourrais remplir des dizaines de billets de ce blog à décortiquer chacune des qualités vocales de Taka, et à m’extasier encore et encore rien qu’à l’évocation de telle et telle et telle et telle autre note tenue plus que de raison, tel cri qui vous perfore la cage thoracique, tel passage au flow endiablé. Ainsi C.h.a.o.s.m.y.t.h, quatrième titre de la setlist, m’aura pris par surprise en me faisant déjà verser ma p’tite larme rien que sur toute la partie qui suit le deuxième refrain. L’habileté avec laquelle le timbre du chanteur passe d’une voix très claire à un rauque de pur rockeur est orgasmique, avec juste ce qu’il faut de petites imperfections ici ou là pour faire passer la blinde d’émotion que l’on ne ressentirait pas une seconde sur une prestation techniquement parfaite. Bref, Taka est touché par la grâce, et franchement des comme lui, le monde n’en a vraiment pas beaucoup.

Faaaaaans, je vous aaaaaaime !

Il serait hautement répétitif de détailler toute la setlist, mais il va sans dire que les plus gros tubes parmi les tubes ont évidemment tenu toutes leurs promesses : la ballade rock Clock Strikes a bien su embarquer la foule avec ses « Woooohooo » taillés pour le live; Be the Light a donné à Taka l’occasion de démontrer qu’il sait aussi superbement interpréter un texte avec en prime une note finale stratosphérique dont ma peau se souvient encore; et que dire de Liar, véritable char d’assaut écrasant tout sur son passage sur lequel Taka a fait merveille à coups de rugissements atomiques à vous multiplier par 10 le diamètre du trou du cul. F*ck, quelle bête ! Evidemment les immenses classiques que sont Re:make (surpuissant) et Kanzen kankaku Dreamer (par lequel beaucoup de fans ont découvert le groupe) ont tout explosé sur leur passage, et le show s’est achevé en apothéose sur The Beginning, le plus gros succès commercial de ONE OK ROCK et aussi l’une des recettes les plus abouties, dont le rendu live tient du chef d’oeuvre et m’a arraché une nouvelle salve de larmes, cette fois de pure jouissance tant la communion fiévreuse entre le groupe et son public atteignait là son paroxysme. Je me console en me disant que si pisseuse je suis, alors je suis loin d’être le seul, y compris au sein de l’assistance mâle. Je me consolerai en me vantant d’être resté de marbre face au fanservice servi par Ryôta pour sauver la mise à Taka, l’aguicheur qui joue les faux timides (ce qui m’arrange bien au final, parce que si le dit-Taka avait eu un peu plus de répondant, j’aurais sans doute foutu en l’air le peu de crédibilité qui me restait en me comportant moi aussi comme une groupie. Passons !)

Le public, parlons en tout de même un peu. Je ne suis généralement pas tendre, mais pour cette fois je n’aurai qu’un seul qualificatif : exemplaire. On était assez loin du public habituel des concerts japanisants.  La foule du jour était d’une part une foule de vrais fans, ceux qui ont su être au rendez-vous aussi bref que vital des deux minutes qu’aura duré la commercialisation des places de ce concert. C’était aussi un public bien plus mixte qu’à l’accoutumée, fait de jeunes et de moins jeunes, très peu de guignol(e)s en costume, bref un public mûr et connaisseur qui a scandé une bonne partie des paroles des chansons du groupe pendant le show et a su répondre à la majorité des rendez-vous habituels tissés par ONE OK ROCK avec ses fans au fil des années. Nul doute que le quatuor a, comme beaucoup de ses compatriotes qui découvrent les scènes occidentales, été bluffé par l’énergie et la chaleur de cette foule qui lève les poings, chante, saute, danse… et aussi s’éponge abondamment le front. Sans doute l’un des meilleurs sinon le meilleur public dont j’ai eu le bonheur de faire partie en quelques longues années de concerts japonais en France.

Un bémol ? Allez, je vous l’accorde, mais il sera infime : Wherever you are, la piste de rappel. J’attendais bien sûr, comme tout le monde, cette chanson comme le Messie. Je parlais de rendez-vous, c’en était un crucial, tant cette ballade téléphonée au possible fonctionne encore sur moi des années après sa sortie. Et si la prestation de Taka et du reste du groupe s’est montrée irréprochable, elle n’a toutefois pas eu l’impact émotionnel escompté. Sans doute que j’en attendais trop; mais c’est surtout que derrière la setlist immense qui venait de se dérouler, et notamment un The Beginning à couper le souffle, Wherever you are est parue un peu (mais juste un peu) fade. Le choix d’une orchestration très proche de la version studio, donc ni grandiloquente comme l’était le live au Budokan, ni intimiste comme la version acoustique du dernier DVD, était sans doute une erreur; et je comprends maintenant un peu mieux pourquoi le groupe place généralement cette chanson en milieu de setlist plutôt qu’à la fin. Il n’empêche là encore, la communion avec les fans était belle à voir, et conclue par une longue ovation naturellement plus que méritée.

Comment terminer autrement qu’en énonçant une ribambelle d’évidences : ce concert était magistral, bien sûr trop court comme tous les très bons moments, mais d’une intensité rarissime. ONE OK ROCK a promis de revenir, puis confirmé qu’il promettait vraiment de revenir, alors bien sûr ils disent tous ça mais on n’a qu’une envie, c’est d’y croire. Quand on voit la facilité avec laquelle le groupe a rempli ses deux dates parisiennes, on peut espérer que l’argument financier ne fasse pour une fois pas trop obstacle. ONE OK ROCK confirme définitivement son statut de meilleur groupe de rock de la scène japonaise actuelle, de très très loin le groupe qui m’enthousiasme le plus depuis un moment d’ailleurs, et la puissance de ses productions ne fait que rendre plus fades encore les innombrables disques insipides qui composent les agendas de sorties CD nippons de cette année. C’est sur ce constat que je m’en retourne donc dans ma grotte, certes heureux mais aussi sacrément nostalgique, comme on l’est d’un moment qui s’est à peine fini qu’on a déjà qu’une hâte : le revivre à nouveau, si la chance nous en est un jour donnée. Allez, d’ici à ce qu’un nouveau rayon de soleil musical inespéré me ressorte de mon hibernation, portez-vous bien !

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