Critique mini-album : Ayumi Hamasaki – LOVE

Petit rappel des faits : Ayumi Hamasaki célèbrera en avril prochain le 15ème anniversaire de sa carrière, et nous livre pour l’occasion une salve de 5 sorties au rythme d’une par mois jusqu’à la date fatidique. La première de ces sorties est un mini-album intitulé LOVE, officiellement dans les bacs depuis le 8 novembre dernier, qui a donc pour lourde mission de succéder au flop de l’album Party Queen. A l’époque Ayu avait complètement flingué sa communication en succombant à l’influence perverse de ses deux grandes folles préférées : le photographe Leslie Kee et son nouvel « homme » à tout faire, Timothy Wellard. Le disque, pourtant intéressant mais taillé pour la fanbase occidentale, et surtout les jaquettes du CD (particulièrement vulgaires), avaient dérouté les fans japonais qui ont alors boudé Ayu comme jamais. A cette époque je pariais sans prendre de risque sur un virage à 180° pour la prochaine sortie. Et bien ça n’a pas loupé !

Ayumi Hamasaki serait-elle définitivement trop avant-gardiste pour ses fans nippons ? Toujours est-il que de peur que la colère-anh de Dieu-anh vienne s’abattre-anh sur le Japon-anh, comme elle s’abat déjà sur la France-anh, l’artiste a donc remisé son rainbow flag au grenier, et part en croisade pour retrouver ce qui peut-être sauvé de sa popularité désagrégée par les années qui passent. A en croire la sévère 50ème place qu’elle occupe au classement annuel des artistes musicaux préférés des Japonais récemment dévoilé par Oricon, il y a du boulot…

Pour retrouver sa fraîcheur, Ayu se fait des shakers avec le placenta tout frais de Kumi Koda

Pour ce faire donc, back to basics, avec ce mini-album aux jaquettes « naturelles » et « sans maquillage » comprenant trois titres inédits. Pour l’occasion, Ayumi et sa team ont dévalisé les ateliers Kitchen’Aid et passé à la centrifugeuse une bonne partie des grands classiques de la chanteuse pour accoucher de trois nouveaux morceaux. Le cas le plus flagrant est bien sûr Song 4 U, une espèce de synthèse de nombreux titres pop d’Ayu. Son intro évoque évidemment UNITE! mais aussi les accords de Free & Easy; le début des couplets a de vrais faux airs d’immature… Surtout, l’ensemble de la chanson rappelle énormément SURREAL, et vous pourrez également vous essayer à chanter la quasi-totalité des paroles de Dearest sur l’air d’origine par dessus Song 4 U, ça marche très bien… Missing pour sa part est un espèce de croisement entre Free & Easy et M teinté de BALLAD ou encore de Voyage, dans le registre de la ballade mid-tempo à la dramaturgie surdéveloppée. En ce qui concerne Melody enfin, le melting-pot est un peu moins évident mais l’impression de déjà vu reste omniprésente : ses refrains lorgnent du côté de Daybreak  croisé avec Winding Road pour l’atmosphère un peu plus légère et le côté « tête qui se balance ».

 

Le pire c’est qu’en dépit d’une impression forcément très téléphonée, les compos marchent plutôt bien. Certes Melody souffre tout de même du fameux syndrome de la chanson qui se laisse écouter mais que l’on n’ira jamais lancer de sa propre initiative. En revanche Song 4 U est assez efficace, et l’on s’étonnera que l’effet retro aille jusque dans l’interprétation d’Ayu, que l’on ne pensait plus capable de l’engagement dont elle faisait preuve dans ses tubes d’antan. Même son timbre a retrouvé une certaine jeunesse ! Exit les vibratos gutturaux et la gravité due à l’excès de soirées arrosées : même si les notes sont moins haut perchées qu’il y a 10 ans, la voix est claire et capable d’une certaine puissance. Mieux encore, Missing est carrément réussie, à la faveur de refrains franchement charismatiques portés par une diction volontaire et des voyelles sonnantes comme on les a toujours aimées dans les tubes d’Ayu. Bref, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si l’ensemble de ce travail, plutôt bon et tirant à fond sur la corde nostalgique, n’était pas tué dans l’oeuf. Je dirais même littéralement ruiné, et le mot est faible. Car il est tombé sur ce mini-album une épée de Damoclès qui a déjà massacré bon nombre des dernières sorties de l’artiste. Si mon sang s’est littéralement glacé à l’écoute de Song 4 U, si mes ongles déjà bien amochés ont fini dévorés jusqu’au sang pendant Melody, et surtout si j’ai manqué de me lacérer d’effroi le visage avec une rape à fromage en entendant Missing, c’est à cause…


…des arrangements abominables…


…de l’infâme boucher monomaniaque qu’est YUTA NAKANO T_T


J’ai déjà exprimé mille fois la violence et la douleur que m’inspirent cet innommable piano électronique, ces vomitifs violons synthétiques, et surtout ces PUTAINS de SALOPERIES d’IGNOBLES carillons / jetés de poudre magique prévisibles, omniprésents et ô combien désespérants. Tout ceci me gâche complètement ce qui aurait pu être le plaisir de retrouver, vaguement, cette Ayu que j’ai tant aimée il y a quelques années. C’en est au point où la moindre occurrence de cet instrument de torture transforme littéralement, et je vous promets que j’exagère à peine, mon visage encore frais de jeune trentenaire en un de ceux illustrés ci-dessus (je vous laisse choisir lequel, ils sont tous très proches de la réalité). Puisqu’Ayu ressort les grands classiques, moi aussi :

La caricature toutefois, Nakano nous la livre sur Return Road, ballade orchestrale gerbante à l’ancienne avec tout ce dont on a eu le temps de se lasser depuis des années : les carillons/jetés de poudre magique, les couplets aux encéphalogrammes plats, les violons synthétiques dégoulinants, et j’en passe…

[...] Yuta -l’étrangleur- Nakano aux arrangements.

[...] Le duo en question, c’est donc Timothy Wellard, le nouveau protégé britannique d’Ayu, et Yuta Nakano, l’arrangeur terroriste dont je rêve qu’il se fasse un jour zigouiller discrètement par quelque yakuza un tantinet éméché. Ou, c’est égal, exécuter après un procès en bonne et due forme lors duquel aucun jury au monde ne saurait l’acquitter tant ses crimes sont de notoriété publique.

Yuta Nakano, aka le Charb du pauvre.

Faire arranger ce titre par Nakano et le faire chanter par Ayumi, c’est un peu comme demander à un boucher de lever à la hache les filets d’un beau saumon (mais pas trop beau non plus hein, juste beau quoi) pour faire faire des sushi à une classe de maternelle. [...]

Yuta Nakano est à Ayumi Hamasaki ce que le maroilles est au Nord de la France : une composante emblématique certes, mais qui pue comme c’est pas permis, et qui rend dégueulasse à peu près tout ce qu’elle touche.

toute chanson arrangée par Yuta Nakano est une chanson perdue

[...] comme s’il n’était pas suffisant de déchirer l’anus des fans avec une batte de baseball en leur annonçant cette nouvelle, avex y rajoute des punaises et des gravillons en confiant à Nakano la composition de deux titres.  Dans ces conditions, il était impossible que le psittacisme aggravé de Nakano ne nous saute pas aux yeux, mais à ce point, ce ne sont plus des rayures qu’il y a sur son disque, ce sont des gouffres…

TOUT est à jeter : la mélodie principale au synthé qui donne envie d’avaler cul sec une bouteille de vodka coupée à l’eau de javel, la rythmique ultra-basique dont même Utada n’aurait pas voulu pour son single Come Back To Me (et pourtant dans le genre, elle a fait fort), les carillons de poudre magique piqués aux péruviens qui font la manche dans tous les centre-villes de France le samedi après-midi

Tout a déjà été dit sur Nakano, et je crois avoir épuisé de longue date le champ lexical du réflexe nauséeux et de la pestilence. Aussi vais-je conclure en m’appropriant une réflexion que m’a faite il y a peu le toujours très inspiré chef de choeur de l’Opéra de chez moi (je dis ça pour saluer son éclectisme… et encore, vous l’avez pas entendu chanter PONPONPON…!). Yuta Nakano, finalement, est un peu à Ayu ce que le Comic Sans MS est à la création graphique : une pure hérésie. Pour mieux vous en convaincre, je me suis d’ailleurs amusé à imaginer ce que pourraient donner quelques unes des dernières jaquettes d’albums d’Ayu, si Yuta Nakano avait hérité de leur confection en plus de massacrer les arrangements des chansons qu’ils contiennent. Peut-être les fans compatiront-ils un peu plus à ma douleur…

Intention prévisible mais très bien réalisée, ce retour aux sources avec LOVE aurait pu être une franche réussite si les arrangements terriblement caricaturaux ne venaient pas foutre en l’air la bonne volonté manifeste d’Ayumi Hamasaki et toute son équipe. Au delà de cela, LOVE n’est toutefois pas exempt de défauts, notamment en tant que pur produit : ce que l’on nous vend comme un mini-album n’est guère qu’un maxi-single rempli à ras-bord avec des remixes au mieux anecdotiques, au pire terriblement imbuvables. Et puis franchement, vous avez déjà vu un album, mini ou pas, contenir la version instrumentale d’un single qui n’est même pas dessus ? Si l’on rajoute à cela les clips désespérément esthétichiants de Song 4 U et Missing, le bilan n’est finalement pas si enthousiasmant que ça, et les fans les moins fortunés seront sans doute mieux avisés d’attendre de connaître le programme exact des 5 sorties commémoratives avant de se lancer dans un achat compulsif qu’ils vont probablement regretter…

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