Critique album : the Gazette – DIVISION

Quoi quoi quoi ? Une chronique album d’un groupe Visual Kei sur leblogJpop ?? Manquerais-je à ce point d’inspiration, serais-je à ce point désespéré par l’amorphisme de la scène musicale japonaise pour sombrer dans la facilité d’un lynchage hautement prévisible ? Voyons, pour qui me prenez-vous ! Non, mon objectif avec cette critique est tout autre. Je vais ici… écouter les fans, et leur donner ce qu’ils demandent ! Vous avez bien lu : la publication d’une chronique du nouvel album de the Gazette sur JaME, puis une autre sur Ongaku Dojo, ont donné lieu à un nouveau débat inepte sur l’objectivité dont nos écrits se devraient de faire preuve. Matthieu ayant parfaitement répondu sur le fond, ma contribution sera donc différente : les fans réclament une critique objective ? Je vais leur en donner une ! (Rires)

the Gazette est un peu l’exception qui confirme la règle. Le Visual Kei a sombré depuis belle lurette dans les profondeurs abyssales du top Oricon, et même si la désertification du marché du disque nippon a permis à certains groupes d’accéder plus facilement à des places d’honneur ces dernières années, l’immense majorité des produits concernés est depuis longtemps condamnée, pour survivre, à aller nourrir les espoirs frustrés d’un public européen qui se réduit lui aussi comme peau de chagrin. Ceci est un fait objectif que seul un village d’irréductibles adolescents décérébrés se plaît encore à contester, sans doute pour éviter d’avoir à troquer leur douce communauté gothico-dépressive contre une confrontation à la dure réalité de la vie, la vraie. Le phénomène ne fait que s’accroître avec le non-renouvellement des générations de fans, la jeunesse de France semblant aujourd’hui plus sensible aux torses abdoplastifiés, aux girls-bands myriapodes et aux voix auto-tunées made in Korea. Rassurez-vous, ça ne durera pas.

the Gazette fait exception, donc. C’est indéniable : depuis 2006, chacun des albums originaux du groupe a eu les honneurs du top6 des ventes avec des chiffres que beaucoup lui envieraient aujourd’hui. Il en va de même de DIVISION, le dernier opus en date, qui marque le 10ème anniversaire du quintet et s’est adjugé la 3ème marche du top Oricon pour sa sortie fin août dernier. Mieux encore : the Gazette a depuis plusieurs années les honneurs d’une certaine critique internationale, et a été récompensé à plusieurs reprises aux French J-music Awards, signe d’une popularité dans l’Hexagone (de niche certes, mais tout de même) qu’il serait idiot de nier. Cette popularité explique sans doute la salve de commentaires indignés (et à l’orthographe terroriste) qui a inondé le web ces dernières semaines après la publication de chroniques tout sauf élogieuses de DIVISION. Et ce alors que les fans eux-mêmes sont loin d’être unanimes au sujet de ce disque.

Qui a peur du grand méchant Dubstep ?

Principal souci évoqué pour expliquer le désamour de certains fans : l’assaisonnement trop électronique, à commencer par les influences Dubstep. Ah ça, on les comprend, les fans, et même doublement. D’abord parce que la dernière artiste japonaise d’envergure à avoir été moquée pour son usage opportuniste du Dubstep, c’était Ayumi Hamasaki. Quand même, pour des rageux épris de Visual-Keillerie, l’analogie avec une cane enrouée à moitié sourde, ça fait mal. Ensuite parce qu’effectivement, le Dubstep, c’est comme les herbes de Provence : à moins que ce ne soit du frais, du bio (et pas du Ducros), et à moins que ce ne soit sur un plat bien choisi et avec un dosage millimétré, et ben les herbes de Provence, c’est dégueulasse, point. C’est pas moi qui le dis, c’est Frédéric Anton. Le Dubstep, c’est pareil : si ce n’est pas prodigué par une pointure et soigneusement pensé, ça vous ruine n’importe quel morceau. L’indigestion liée à l’effet de mode en bonus.

Sauf qu’ici, c’est un faux procès : il n’y a pas de Dubstep sur ce CD, si ce n’est peut-être un vague relent sur le break de ATTITUDE et un semblant de début d’inspiration sur XI. Le Dubstep, pour ceux qui ne le sauraient pas et sans vouloir non plus trop tomber dans les clichés, ça ressemble à ça  (si ça ce n’est pas de l’exemple pertinent, je ne sais pas ce qu’il vous faut !). Les arrangements incriminés sur DIVISION sont tout juste qualifiables d’electro, pas foncièrement mal intégrés qui plus est. Pour rester dans la métaphore culinaire, dire que l’album est mauvais à cause de ses composantes électroniques, ce serait comme dire qu’un burger Quick est mauvais parce qu’on nous l’a servi avec des rustiques plutôt que des frites traditionnelles (vous noterez, là encore, comme j’essaie de m’adapter à mon public). Non, quand un burger est mauvais, c’est parce que la sauce est grasse, que le steack n’a pas de goût, que la salade a cuit, que le fromage est industriel et que la tomate a un goût de pesticides et autres chimisteries nauséabondes. Sur cet album, la sauce, c’est l’ambiance générale, et les guitares; le steack, c’est les compositions; la salade, c’est les arrangements de tous les morceaux sans electro; le fromage, les arrangements de toutes les pistes assaisonnées à l’electro; et la tomate… la voix de Ruki.

De l’art de parler pour ne rien dire

Je développe, histoire d’argumenter avec, toujours, le même souci d’objectivité. Un album gras ? XI en est une introduction des plus probante, avec ses prout-prouts synthétiques ineptes et son encéphalogramme mélodique archi-plat. Autre exemple ? DERANGEMENT et son joyeux mélange de riffs surfaits, de solos tout sauf inspirés, de samples synthétiques aléatoires, de chant plus cliché des défauts du Visual-Kei tu meurs, et de beugleries post-Thanksgiving. Pas objectif ? Ne reculant devant rien, je n’ai pourtant pas hésité à donner de ma personne pour faire l’expérience qui démontre ma théorie : après m’être noyé dans une bouteille de rosé et une cuve de velouté potimarron-châtaignes, puis étouffé d’une dinde aux marrons bien trop farcie en oignons sans oublier la tarte au caramel et noix de pécan, croyez-moi, le boucan qui émergeait de mes toilettes ressemblait trait pour trait aux vomissements que l’on peut entendre sur ce CD. Je n’ose d’ailleurs évoquer REQUIRED MALFUNCTION, sans quoi je serais obliger de pousser l’analogie jusqu’à la gastro-entérite qui a suivi.

Un album qui n’a pas de goût ? Déjà parce que trop de goût tue le goût, et que des morceaux comme REQUIRED MALFUNCTION justement me font l’effet d’une crêpe Merguez-Nutella-Banane-Mayonnaise. Là où à l’inverse dans des genres différents Kagefumi, Hedoro ou encore DROPPING INSANITY s’avèrent soporifiques au possible, sans relief, complètement soumis qui à une rythmique lassante, qui à une construction vue et revue, qui à des accords mille fois entendus. C’est ce que j’entends par l’idée d’un album « cuit » : beaucoup de titres donnent l’impression de n’avoir pas fait évoluer le genre depuis 15 ou 20 ans. Ainsi Yoin ou Kago no Sanagi, tout à fait supportables au demeurant, n’en sont pas moins prévisibles au possible et sonnent comme du vieux Gackt. Oui oui ! Passons sur le côté industriel évident, pour finir avec Ruki, lequel sombre abominablement dans la facilité sans doute salvatrice de l’auto-tune (finalement, il y a donc aussi un peu d’influence Kpop sur ce CD !), et se contente du service minimum avec une interprétation qui réussit une performance exceptionnelle : être à la fois caricaturale du genre Visual Kei comme rarement, et complètement dénuée de cette émotion que l’on est pourtant tant habitué à voir surjouée.

S’il serait malhonnête d’affubler cet album de qualificatifs vindicatifs, parce qu’après tout on a entendu bien, bien pire (oui, Anli Pollicino par exemple, vous lisez dans mes pensées !), on ne peut pas dire que DIVISION soit un bon album, loin de là. Pas assez VK pour les fans de VK, trop pour les autres, le disque a le cul entre deux chaises, et échoue à exécuter correctement l’une ou l’autre de ses deux influences, pour finalement accoucher d’une salve de mélodies quelconques, d’arrangements poussifs complètement brouillons, de compositions chiantes qu’une interprétation et une orchestration tout aussi peu convaincantes ne parviennent pas à sauver. Bref, un album qui donne l’impression d’avoir été conçu avec beaucoup d’intention (à commencer par celle de surfer sur une certaine mode), mais très peu d’inspiration. Pas de quoi, en tout cas, justifier une seconde ni l’avalanche de critiques d’un côté, ni la violence de la riposte de l’autre, auxquelles on a assisté ces dernières semaines. Une conclusion ? En toute objectivité, on ne peut donc que constater que DIVISION divise, et que c’est bien mérité. Vous trouvez ça insipide comme conclusion ? Moi aussi : c’est exactement la raison pour laquelle une critique se doit d’être subjective. Promis, ce sera le cas la prochaine fois ! Et ce qui est chouette, c’est que vous ne viendrez plus vous plaindre !

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