Découverte : le folk mongol de Daiqing Tana & HAYA

Le hasard réserve parfois des surprises bluffantes. Un séjour familial à la campagne quelque part entre Besançon et Pontarlier, un zapping innocent sur l’autoradio, quelques notes qui attirent mon attention sur la station RCF (radio chrétienne francophone !), et quelques semaines plus tard voilà un billet sur leblogJpop consacré à un album de musique… mongole. Avec à la clé une découverte magnifique !

Ne me demandez pas ce qu’un OVNI pareil est venu faire sur une station de radio française, qui plus est sur l’antenne locale d’un organe de propagande à bondieuseries. Mais je ne peux que tirer mon chapeau sur ce coup pour cette programmation audacieuse qui m’a permis de découvrir HAYA et sa chanteuse Daiqing Tana grâce à Silent Sky, chanson-titre du deuxième album du groupe sorti en 2009. Silent Sky s’ouvre sur une simple boucle d’accompagnement à la guitare folk, sur lequel vient  virevolter la voix cristalline de Daiqing Tana à l’interprétation d’une infinie douceur. Dès les premières secondes, on est littéralement envoûté par la musicalité incroyable du texte et les nuances sublimes du chant, bercé par ce refrain magique simplement fredonné, susurré même, tandis qu’un pont de violons traditionnels à tête de cheval et une rythmique percussive discrète achèvent la composition de ce morceau littéralement hypnotique, au pouvoir apaisant rarement égalé. Les arrangements acoustiques d’une sobriété exemplaire n’en sont pas moins riches pour autant, la qualité des ornementations tenant essentiellement à leur subtilité, tandis que le mixage est d’une finesse exemplaire. En bref, Silent Sky nous délivre pas moins de six minutes de pure grâce enchanteresse, qui ne pouvaient que m’encourager à chercher à en savoir plus sur HAYA.

 

Le mariage de la musique folk mongole et des sensibilités acoustiques occidentales

HAYA est un groupe de world music chinois dont les membres sont originaires d’horizons très variés, de la région autonome de Mongolie Intérieure en passant par la Suisse et les Philippines. La « world music » n’est pas à proprement parler un style très populaire en Chine, mais les membres de HAYA ne s’en préoccupent guère : le nom du groupe signifie en effet « à la marge, marginal », et témoigne parfaitement d’une distance assumée avec la scène mainstream. La qualité n’en est pas moins au rendez-vous, et le travail de HAYA lui a valu une certaine curiosité de la part de mélomanes du monde entier, en témoignent les résultats de recherche Google sur le nom du groupe. Après un premier album de musique folk typiquement mongole adoptant notamment le chant traditionnel Hoomii, le talent et l’éclectisme incroyables de la chanteuse Daiqing Tana, originaire de la province mongole de Qinghai, ont résolument transformé l’approche artistique de HAYA.

L’album Silent Sky en témoigne pleinement, en cela qu’il entremêle de façon intime les langages (Mongole, Mandarin, Tibétain), les instruments (acoustiques occidentaux ou traditionnels mongoles et chinois) et les styles musicaux pour devenir un album de world music au sens le plus concret du terme. Ainsi là où Snow Mountain et Passed Time jouent dans le registre très traditionnel de la ballade chinoise au chant très arrondi et aux cordes omniprésentes, Ongmanibamai adopte une approche beaucoup plus ethnique et solennelle en prenant des airs de prière, sinon d’incantation. Là où Qinghai Lake se distingue par l’apport d’une touche électro-ambient relaxante qui adoucit les syllabes assez dures du texte de la chanson, Missing You apporte la même sensation de sérénité d’une façon complètement différente en s’appuyant sur une simple guitare et un violoncelle. Là où Reborn fait dans l’easy listening très agréable sur une base guitare-harmonica avec une dose de lalala, Golden Bracelet surprend par son accompagnement piano-bar mélancolique que l’on attendrait plutôt en support d’une voix de crooner que sous ces notes gutturales de paroles aux accents très traditionnels. Enfin que dire du génial Dancer in the Darkness, élucubration folklorique ternaire qui nous raconte une histoire toute droit sortie des rêves de Daiqing Tana ? La chanteuse s’est réveillée un matin avec cet air improbable dans la tête, et l’a transformé en une oeuvre surréaliste où le dépouillement ne cesse que pour laisser place à une débauche de cymbales résonnantes dans un mariage de la chèvre et du chou aussi incongru qu’éblouissant.

 

A noter enfin que l’omniprésence et la palette d’interprète exceptionnelle de Daiqing Tana en figure de proue ne sauraient faire oublier que l’oeuvre de HAYA est un vrai travail de groupe. Et l’une des choses particulièrement appréciables sur l’album Silent Sky est l’espace d’expression laissé aux musiciens. Les intermèdes instrumentaux ne sont justement pas que des intermèdes, les introductions sont longues et construites, les passages purement musicaux sont nombreux, et à ce titre la voix de Daiqing Tana est ici traîtée comme un instrument mélodique, qui a l’intelligence de ne jamais marcher sur les plate-bandes des autres.

A l’heure où j’écris ces lignes je ne me suis pas encore penché sur Migration, le troisième opus de Daiqing Tana et HAYA. Mais l’écoute de Silent Sky est d’ores et déjà un argument plus que suffisant pour me convaincre de vous inviter avec la plus grande ferveur à découvrir les travaux du groupe. Silent Sky est un album envoûtant aux vertus nombreuses, qui s’avèrera particulièrement appréciable en accompagnement musical de toutes ces circonstances où l’on souhaitera instaurer une atmosphère calme et sereine. Un bon bain chaud, une bougie parfumée au cèdre ou à la fleur d’oranger, une infusion à l’hibiscus, et l’album Silent Sky en fond sonore : voilà la recette que je vous propose pour un moment d’évasion et de relaxation à l’efficacité garantie. Pour le modelage ayurvedique toutefois, il faudra compter un petit supplément : mon dévouement a ses limites !

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