Japan Expo 2012 : bilan et photos

L’édition 2012 de Japan Expo a été marquée par une météo extrêmement capricieuse qui, à l’instar des habituels soucis du RER B, n’a pas manqué de pourrir la vie d’une bonne partie des visiteurs du salon. Lesquels n’ont toutefois pas lâché l’affaire pour autant : après une édition 2011 en demi-teinte où les bons résultats de Comic-Con avaient masqué un recul de la fréquentation de JE, les allées noires de monde dès le jeudi ne donnent pas matière à s’inquiéter pour le bilan humain et financier du festival. Comme mentionné il y a quelques semaines, le programme musical s’annonçait un peu plus réduit que les années précédentes, mais plus qualitatif aussi, du moins sur le papier. Verdict à froid ? Pas de surprises : les espoirs se sont montrés dignes des attentes placées en eux, et pour le reste on savait à quoi s’attendre… Revue de détail, par ordre chronologique, dans la suite de ce billet !

Momoiro Clover

Momoiro Clover

Commençons par le commencement : premier showcase pour l’ouverture de la scène principale : celui de Momoiro Clover. Passons sur l’interdiction des photos infligée à la presse par un staff nippon inquiet de voir les petites culottes des idols s’afficher partout sur internet, pour nous intéresser au live proprement dit. Le spectacle n’était pas tant sur scène (un show d’idols -mal- millimétré, plus ou moins douloureux pour les oreilles selon l’identité de celle qui braille dans son micro) que dans la salle. Une partie du fanclub japonais du groupe a en effet fait le déplacement et investi les premiers rangs. Affublés d’écharpes, serviettes et autres tshirts siglés, ces spectateurs pas comme les autres détonnent : parmi eux, une bonne part de colosses à grosse voix et autres clônes aux yeux bridés de Noah Puckermann (Glee, pour ceux qui ne connaissent pas) ! Tous scandent le prénom de leurs idols et exécutent des chorégraphies répétées mille fois avec leurs sticks lumineux; pire : ils font partie intégrante de la séquence d’intro lors de laquelle ils accompagnent l’arrivée des artistes sur scène en hurlant leur présentation comme un seul homme. Vu de l’intérieur, ce grand moment de fan support à la japonaise est très impressionnant; reste qu’il s’agissait là du seul intérêt à mes yeux de ce showcase qui semble toutefois avoir ravi les amateurs…

MAN WITH A MISSION

MAN WITH A MISSION

C’était l’un des concerts les plus attendus du festival par la blogosphère francophone, et il n’a pas déçu : MAN WITH A MISSION a littéralement enflammé un Live House qui, pour l’essentiel, ne savait sans doute pas à quoi s’attendre et a littéralement explosé dès le premier morceau. Là encore, petite mésaventure à déplorer avec une membre du staff nippon du groupe qui a tout simplement fait évacuer la fosse de journalistes, mais qu’importe : la plupart d’entre nous avons mis de côté les « obligations » pour profiter pleinement du spectacle détonnant offert par le groupe. On aurait pu craindre que sous leurs masques à têtes de loups, les artistes allaient avoir du mal à créer une connexion avec le public, et pourtant c’est tout l’inverse qui s’est produit. Un charisme incroyable, des instruments qui sonnent bien, des compos encore plus efficaces en live que sur CD, un chant et des raps incisifs et habités, et une énergie folle : tous les ingrédients étaient réunis pour passer un moment exceptionnel. Mention spéciale à l’enchaînement entre l’excellente reprise de Smells like teen spirit (Nirvana) et FLY AGAIN, climax du weekend à n’en pas douter ! Le seul reproche ? C’est une évidence : moins de 45mn de concert, c’est terriblement trop court, terriblement frustrant. Et c’est à se demander ce qui peut motiver un groupe comme celui-ci à traverser le globe pour jouer trois petits quarts d’heure dans un pays où ses disques ne sont pas dans les rayons des magasins… Quoi qu’il en soit, on ne peut évidemment espérer qu’une seule chose : que MAN WITH A MISSION revienne dans l’Hexagone, investir cette fois une vraie salle pour un concert full length digne de ce nom !

Daizy Stripper

Daizy Stripper

Je ne m’attarderai pas, tout le monde sait que le Visual Kei n’est définitivement pas ma tasse de thé. Pour autant, je ressens après coup une certaine indulgence à l’égard de ce groupe, à la faveur sans doute de la comparaison avec Anli Pollicino, qui a sévi plus tard lors du weekend. Une prestation sans réel intérêt ni fausse note, des tenues relativement sobres pour le genre en dépit d’attitudes évidemment ridicules, bref, il n’y a clairement pas grand chose à raconter sur ce live à ranger au rayon anecdotique. Pour du visu, c’est déjà pas si mal.

Kohei Tanaka et Iwao Junko

Iwao Junko

Le bon vieux moment Papy fait de la résistance du weekend, qui fait paradoxalement plaisir par sa… fraîcheur, oui oui. Kohei Tanaka, compositeur et arrangeur de moult génériques d’anime à succès, investit sobrement la scène derrière un tout bête piano électronique, accompagné d’une batterie et d’une contrebasse. Et le voilà qui s’égosille bravement, ici sur un thème de ONE PIECE, là sur un thème de Dragon Ball, le sourire aux lèvres. Ca n’a rien d’un grand show, mais la simplicité du moment fait briller des étoiles dans les yeux des spectateurs (certes assez peu nombreux) qui reprennent avec lui ces refrains très connus. Arrive ensuite Iwao Junko, seiyuu vieillissante plutôt bien conservée, rayonnante bien qu’un chouilla maniérée, dans une jolie robe grandiloquente. A son tour, l’artiste se lance dans un boeuf de génériques, parmi lesquels celui d’Evangelion, ou encore d’Escaflowne, à la grande joie d’un public nostalgique de cet âge d’or de l’animation japonaise. La prestation est étonnamment très bonne, le chant juste, la voix posée, ce qui n’est pas sans contraste avec les accents nasillards et la hauteur suraiguë qu’emprunte Iwao lors de ses speechs, rappelant sur ce point de mémorables interviews de Rina Aiuchi. Bref, un showcase sans prétention, répété deux fois sur le weekend, qui a très bien fait le boulot et avait définitivement toute sa place dans le programme de cette Japan Expo.

FLOW

FLOW

Invité d’honneur musical du festival, FLOW a investi le JE Live House au soir du vendredi pour le seul grand concert du weekend, payant celui-là.  Assumant pleinement son affiliation à l’industrie de l’animation pour lequel il a signé bon nombre de génériques à succès, le groupe a manifestement quelques fans en France qui connaissaient une majorité des chansons de la setlist par coeur. Les tarifs relativement élevés ont toutefois sans doute rafraîchi les vélléités de bon nombre de visiteurs, car la salle était loin d’afficher l’affluence de ses plus belles heures, ni même celle du live des Morning Musume organisé dans les mêmes conditions par le passé. N’étant ni grand fan ni réfractaire aux travaux de FLOW, c’est avec l’esprit tout à fait ouvert que je me suis présenté à ce concert… Mais je dois avouer que la prestation du groupe m’a laissé complètement froid. Premier choc à l’arrivée des artistes sur scène : plus que leur tenue (des chemises à motif de zébrures éclatées noir et blanc, tout sauf photogéniques), c’est leur âge accusé qui choque. FLOW m’a fait l’impression de voir débouler Bernard Minet et le reste des Musclés dans un grand moment de revival 90s, où les rides et la peau qui tombe étaient dissimulées de façon aussi ridicule qu’inefficace par un maquillage ô combien excessif. L’attitude était tout aussi ridicule, et l’on n’eût point été surpris d’entendre le chanteur scander de vieilles rengaines nostalgiques comme « Ca vous a plu ? (ouaaaaaaaais) Alors on continue ! (ouaaaaaais !) » . Seul le rappeur du groupe sauve un peu la face sur le terrain de la crédibilité, mais planqué derrière ses lunettes il peine à établir une connection avec la foule. Musicalement, force est de constater que rien ne ressemble plus à un générique d’anime à la sauce FLOW qu’un générique d’anime à la sauce FLOW. Si bien que très vite on a la sensation d’entendre encore et toujours la même chose, avec en prime des balances catastrophiques et (comme d’habitude à Japan Expo me direz-vous) un volume sonore beaucoup trop élevé qui achève de mouliner la bouillie pop-rock servie par le groupe. La démonstration des limites artistiques de FLOW est flagrante sur la reprise de READY STEADY GO de L’Arc~en~Ciel, où ni le chant, ni le jeu des musiciens ne sont à la hauteur de ce monument bien plus technique qu’il n’y paraît. Bref, lassé par ce live sans relief, je ne peux qu’avouer avoir quitté la salle avant la fin.

Hemenway

Hemenway

C’était l’autre rendez-vous attendu par les connaisseurs : le jeune groupe pop-rock Hemenway, qui débute à peine sa carrière au Japon, bénéficiait sur cette Japan Expo d’une double exposition avec un premier showcase, suivi le lendemain d’un second avec la participation exceptionnelle du mangaka Naoki Urasawa. J’ai malheureusement raté ce dernier, mais la prestation d’Hemenway pour son premier live a été on ne peut plus conforme à mes attentes, confirmant qu’il s’agit là d’un groupe extrêmement prometteur. Sans aucun doute, le quatuor a livré le live le plus musical du week-end, au sens où la richesse des arrangements et la qualité technique des artistes se sont avérées bluffantes. Bien plus en fait que la portée des compositions ou le charisme des refrains. C’est tout de même singulier pour un groupe qui revendique lui aussi sa connexion intime avec le monde de l’animation japonaise ! On sent d’ailleurs que cette identité nippone est pour Hemenway un cheval de bataille : tandis que son chanteur et son guitariste sont coréens, et que les quatre membres du groupe se sont rencontrés en école de musique aux USA et parlent donc très bien anglais, la quasi-intégralité des speechs se sont faits en japonais. La bio officielle du groupe elle-même se résume d’ailleurs à un grand plaidoyer en légitimité. Mais groupe japonais ou non, qu’importe : entre sa présence scénique très classieuse (mention spéciale au guitariste dont la tignasse folle, les lunettes embuées et le jeu acrobatique contraste de façon spectaculaire avec le flegme très posé du chanteur) et le talent indéniable de chacun de ses membres, Hemenway a définitivement remporté tous les suffrages !

Anli Pollicino

J’ai longuement hésité à consacrer un billet entier à ce groupe de poulets décérébrés à peu près aussi talentueux et compétents en tant que musiciens que moi en tant que pilote de rallye (à un détail près : face à mon inaptitude innée évidente, j’ai au moins eu la décence de ne même pas chercher à obtenir mon permis de conduire, là où cette bande de guignols défie toute forme de respect pour l’art et le genre humain en osant commercialiser des CDs et des places de concert). Que les choses soient claires : mon opinion sur la prestation d’Anli Pollicino transcende de très loin toute forme d’aversion que je peux avoir pour le Visual Kei. Non, objectivement, ce live était à Japan Expo ce qu’une vulgaire côte de porc pas cuite sauce moutarde/piment oiseau/nutella/roquefort serait à la carte d’une bonne brasserie : un tord-boyaux à vous liquéfier les entrailles. Pas un seul des « musiciens » n’était dans les clous, le seul rythme effréné à signaler étant celui auquel se sont enchaînés les pains, avec pour apogée ce fameux moment où le pauvre batteur a laissé échapper ses baguettes… Mais le pire est à mettre au crédit du « chanteur », qui remporte haut la main la palme des beuglements asthmatiques les plus archi-faux de toute l’histoire de Japan Expo. Je n’ai honnêtement pas souvenir d’avoir entendu une seule note qui m’ait paru agréable de sa part. La foule nombreuse a donné au staff du groupe l’occasion de se vanter… tout en omettant soigneusement le fait que la plupart des spectateurs était là pour assurer sa place pour le concert de Kyary Pamyu Pamyu qui suivait. Mais les visages grimaçants dès le 2ème rang des spectateurs, et la désertion rapide de la fosse des journalistes absolument horrifiés en disent très, très long sur la qualité apocalyptique de ce concert. A quand la création d’une brigade de protection des populations, chargée notamment de veiller à ce que de pareilles menaces sur la santé de la jeunesse française ne puissent continuer de sévir en toute impunité ?

Kyary Pamyu Pamyu

Kyary Pamyu Pamyu

Invitée d’honneur… « mode » du festival, Kyary a largement éclipsé FLOW sur le plan de la popularité et de l’impatience générée par sa présence. Il faut dire que le buzz né sur le web autour de la jeune fille avec le clip de son tube PONPONPON a largement dépassé les frontières de l’archipel, et même celle de la sphère japanisante : plus de 30 millions de visionnages Youtube, ça attire forcément la curiosité, et d’ailleurs le showcase de Kyary est de très loin celui qui a le plus rempli la fosse de journalistes dans laquelle il était littéralement impossible de faire un pas. Vraisemblablement ce succès a pris tout le monde de court, et l’artiste et son staff en ont été les premiers surpris, si bien que Kyary passe depuis son temps à s’excuser de n’avoir proposé que 5 chansons (un peu plus avec le rappel) aux milliers de personnes qui se sont déplacées pour elle. Sans doute aussi que s’ils avaient su, ils auraient mis un peu plus de moyens dans la mise en scène. Le grand barnum kawaii-burlesque de Kyary n’a clairement pas le même impact sans même le moindre bout de décor coloré pour créer une ambiance. Un peu petite pour cette grande scène toute vide, la star a toutefois pu compter sur ses danseuses, deux minuscules piles électriques aussi boudinées dans leur costume qu’impressionnantes dans leur exécution énergique des chorégraphies accompagnant ses chansons. Kyary paraissait du coup un peu apathique en comparaison, même si la faiblesse de sa voix était globalement bien compensée par la bande playback par dessus laquelle elle chantait. Reste qu’à la faveur de titres super efficaces et d’un public conquis d’avance, ce showcase s’est avéré plutôt plaisant; un brin moins déjanté et entêtant qu’attendu sans doute, moins efficace (ou abrutissant, c’est au choix) sans doute aussi, mais tout de même quelle ambiance ! Chapeau en tout cas à Saé et son équipe pour ce coup d’éclat qui a constitué sans doute possible le climax de la programmation musicale du weekend.

Quelques remarques d’ordre général en guise de conclusion

Bilan plutôt positif donc pour ce qui est du programme musical de cette 13ème Japan Expo. Et pourtant, j’ai dit à plusieurs reprises, et je continue de penser que sauf invité absolument exceptionnel ou motivation très particulière, cette édition 2012 fut ma dernière JE. Sans doute est-ce dû à mon grand âge, toujours est-il que j’ai eu la sensation cette année que les points positifs à mettre au bilan de ma visite ne compensaient plus leur coût. Un coût financier tout d’abord, entre le voyage en train, les allers-retours en RER, et le tarif absolument scandaleux des consommations sur place (sans même parler de celui des produits en vente, il y a longtemps que j’ai compris qu’il ne fallait pas acheter quoi que ce soit à Japan Expo). Un coût en énergie surtout : d’un côté l’attente sur les quais du RER B et les innombrables problèmes techniques qui rallongent encore le voyage dans des wagons aux températures infernales, de l’autre les distances gigantesques à parcourir à pieds entre les différents halls au milieu d’une foule compacte qui trépigne comme moi de ne pouvoir avancer, tout cela est tout bonnement épuisant. Et j’ai bien conscience qu’en dépit d’une certaine régression cette année dans la qualité de l’accueil de la presse, avec mon badge qui me sert de coupe file pour accéder aux concerts et m’économise le prix exorbitant de l’entrée je ne suis pas le plus à plaindre : toutes mes pensées accompagnent les visiteurs lambda, parqués comme du bétail dans des files qu’une organisation toujours plus réfléchie ne parviendra malheureusement sans doute jamais à rendre supportables.

Bien sûr, je suis toujours très content de croiser à JE quelques têtes connues : un clin d’oeil cette année notamment à toute la bande de Plumes (Matthieu d’Ongaku Dojo, Angela et son acolyte de Play of Medley, Tanja de DoKo, Ramza de Paoru.fr, et tous les autres), sans oublier Van que j’ai eu la surprise de croiser à Book Off (les grands esprits…) avant de le retrouver, perdu comme un fan des Girondins de Bordeaux dans une tribune du PSG, lors de divers concerts sur JE. Mais au final ce plaisir serait sans doute bien mieux mis à profit autour d’un verre ou d’un bon repas dans des conditions plus paisibles… Plus que jamais, parcourir Japan Expo donne l’impression d’affronter les allées d’un gigantesque hypermarché au premier jour de soldes où chacun se battrait pour avoir le droit d’acheter des choses à deux fois leur prix théorique. Au fil des années, l’ambiance se refroidit inéluctablement, tandis que les stands amateurs se réduisent comme peau de chagrin, les fanzines disparaissent au profit de boutiques toujours plus nombreuses où les arnaques (un guignol qui commercialise des posters d’illustrations volées sur deviant art par ci, les inévitables CDs pirates chinois et coréens par là…) côtoient les aberrations (des illustrations sur plexi vendues plusieurs centaines d’euros…), le tout trié sur le volet pour maximiser le chiffre d’affaires lié au prix des stands plutôt que pour satisfaire le public dans sa grande diversité. Un public qui revient de toute façon, tant le rendez-vous est devenu incontournable. Il faut dire que la qualité des happenings proposés n’y est pas pour rien, mais là dessus aussi il y a à redire : les évènements s’enchaînent industriellement dans un planning qui oblige à faire des choix cornéliens entre des showcases souvent trop courts et frustrants, ou des conférences avec bien peu de fond. Même du point de vue de la presse, la démultiplication des accréditations raréfie et raccourcit les créneaux d’interviews qui ne permettent plus d’espérer tirer quelque propos vaguement intéressant des invités japonais. Raison pour laquelle j’ai tout simplement abandonné toute velléité cette année.

De plus en plus nombreux sont ceux qui s’interrogent, à l’approche du premier week-end de juillet, sur comment ils vont « survivre à Japan Expo ». En ce qui me concerne c’est donc simple : je n’irai probablement plus, et je souhaite bon courage à la relève, qui semble de toute façon bien assurée ! En attendant, ci-dessous  ma petite galerie photos persos de cette Japan Expo.

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