Critique album : Kyary Pamyu Pamyu – Pamyu Pamyu Revolution

Il est de ces chansons qui vous hantent littéralement, surgissant de nulle part dès que vous avez le dos tourné, tel les monstres que vous redoutiez tant lorsque, petits, vous vous cachiez sous les draps pour ne pas vous faire manger par Dieu sait quelle créature tapie dans l’ombre ou planquée dans un placard (et non, je ne parle ni de Yoann Gourcuff, ni de Ken Hirai). Ces chansons, dès la première écoute, vous collent aux basques plus encore qu’un conseiller Groupama qui tente de vous refourguer une nouvelle mutuelle. Ces chansons, je les baptise volontiers du nom de chansons terroristes, dont les interprètes méritent mille fois la peine capitale pour avoir engendré moult génocides sur les neurones de populations toutes entières. Dans sa grande mansuétude, le Bon Dieu a fini par euthanasier Eric Charden, qui venait tout juste de sortir le disque de trop avec son acolyte Stone : avec un peu de chance d’ici dix ans, mon esprit ne sera plus harcelé en plein boulot par des hordes de vaches rousses blanches et noires. Mais c’était sans compter sur la malice de ce fieffé fripon qu’est l’homme à la barbe blanche. Car voilà qu’il nous envoie en colis express Kyary Pamyu Pamyu, avec qui plus est une véritable mission de proximité puisque l’artiste sera en showcase à Japan Expo à Paris début juillet prochain. Dans le genre terroriste, c’est pas une petite joueuse la Kyary, et tandis que je commence à rédiger cette chronique, je sens déjà pointer les premiers signes d’une affection fulgurante, un parasitage intellectuel aigu par tout un tas d’onomatopées incongrues. Souhaitez-moi bonne chance !

Kyary Pamyu Pamyu, de son nom de scène complet Caroline Charonplop Kyarypamyupamyu (!), est une modèle et bloggeuse mode japonaise de 19 ans, qui a démarré il y a tout juste un an une carrière musicale sous l’égide d’un des producteurs les plus en vue de l’archipel : Yasutaka Nakata, qui rappelons-le se cache aussi derrière le ~E-LEC-TRO WOOOOOORLD~ succès du trio Perfume. Ambassadrice de choc du style kawaii et coloré de Harajuku, Kyary a semble-t-il fortement inspiré Nakata qui a sorti de sa besace un son electro-pop bubblegum qui colle parfaitement à l’univers CANDYYY CANDYYY CANDY-CANDY-CAAANDY de sa pouliche. Le travail visuel effectué sur le produit Kyary Pamyu Pamyu a fait le reste : des costumes flashy complètement dingues, un maquillage plein de TSUUU-KE MATSUUU-KE MATSUKE MATSUKE, des décors psychédéliques, des chorégraphies survitaminées, des happenings, des mascottes, bref, tous les ingrédients sont réunis pour donner naissance à un succès commercial, dans un style Jpop à 100% assumé. La surprise est venue du décollage de ce succès : ce n’est en effet pas au Japon que cette Jpop pur jus a fait sa première percée, mais en Occident, à la faveur notamment d’un buzz viral énorme généré à la suite de la diffusion du clip, déjanté s’il en est, de la chanson PONPONPON. Propulsée en tête des charts électroniques en Finlande et en Belgique, ainsi qu’à des places d’honneur un peu partout en Europe et même aux USA, la chanson a également accumulé pas moins d’une trentaine de millions de visionnages sur Youtube, un record complètement ~CHAN-CHAKACHAN-CHAN~ pour une production nippone.

Gniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!!

Il faut dire que PONPONPON n’est ni plus ni moins qu’une arme de destruction massive : avec ses handclaps, ses nappes de synthé, ses lignes de basse funky à souhait et son rythme jungle exotique, l’instrumentale a déjà de quoi embrigader les esprits les plus faibles. Mais les paroles du titre, abrutissantes comme rarement, scandées avec une joie de vivre communicative par cette petite voix toute douce qui semble chanter son texte avec un reste de chamallow sur la langue et des carambars dans le nez, achèveront sans aucun doute les facultés de résistance intellectuelle du plus hermétique des rabas-joies. Mine de rien, il y a un joli travail de diction effectué sur ce titre, avec des syllabes rebondissantes qui contribuent énormément à la dynamique de l’ensemble. Et le fait est qu’à peine avez-vous le temps de vous exclamer quelque chose comme « mon… dieu… mais… qu’est-ce que c’est que cette m… » qu’il est déjà trop tard : vous êtes bons pour passer la journée à entendre, encore et encore, résonner inlassablement dans votre tête cet entêtant refrain : PONPON WAYWAYWAY PONPON WAY PON WAY PONPON !

Devant ce phénomène mondial, qui a toutefois peiné à se propager au marché japonais, Warner Music Japan ne pouvait pas ne pas offrir à Kyary la sortie d’un album full length. Et c’est ainsi que nous sommes gratifiés de ce Pamyu Pamyu Revolution, supplice absolument délicieux dans le genre ultime outil de torture digne des pires sévices jamais subis par le regretté Jack Bauer. L’ascension se confirme : deuxième place au top albums nippon, première position des charts électroniques iTunes dans plusieurs pays parmi lesquels les USA, un top5 de ces mêmes charts en France… Voilà peut-être l’une des plus belles, sinon la plus belle percée de l’histoire récente de la musique japonaise en Occident, toute relative soit-elle. Et même si de prime abord on pourrait en être dépité, finalement il est plutôt plaisant de constater que ce qui marche, c’est quand les Japonais s’assument dans ce qu’ils savent faire de mieux, et non quand ils cherchent à singer les productions américaines… Tant pis pour la caricature !

Reste que ceux d’entre vous qui ne se sont pas déjà explosés le crâne contre le carrelage de la salle de bain en regardant le clip de PONPONPON pourront tester leurs nerfs sur le single suivant, du même acabit, cette fois à base de TSUUU-KE MATSUUU-KE MATSUKE MATSUKE, à peine plus évolué et donc à peine moins abrutissant. Mais à peine. Et pour ceux qui n’en ont pas encore assez, il y a aussi CANDYYY CANDYYY CANDY-CANDY-CAAANDY. Il y a encore CHAN-CHAKACHAN-CHAN mata aeru yo ne, sayonara CHAN maku mata ne, see you see you see you again, see you see you see you next time, munya munya mu munya munya munya mu. Il y a aussi suki suki de kiresou kirakira shita kya ikenai yo na, il y a également une bonne dose de AN AN ANANAN, AN AN ANANAN, AN AN ANANAN, ANAN ANANAN. Et puis tout un tas d’autres trucs qui ne prennent pas aussi bien, comme des LA LA LA LALALA LALA ou des PAMPAM PAMPAMPAM. Mais c’est pas grave, on peut toujours se rabattre sur une série de GURU GURU GURUGURUGU, qui vont avec le fameux TSUUU-KE MATSUUU-KE MATSUKE MATSUKE, lequel est suivi de PACHI PACHI TSU-KEMATSUKETEEEE ! Ou sur le décidément inégalable PONPON WAYWAYWAY PONPON WAY PON WAY PONPON, quitte à l’enchaîner dans un ultime hit combo sur son miroir : WAYWAY PONPONPON WAYWAY PON WAY PON WAYWAY. Et en dessert, vous reprendrez bien un peu de CANDYYY CANDYYY CANDY-CANDY-CAAANDY ? Ou du munya munya mu, munya munya munya mu ? Ou bien…

Bref, prenez ce que vous voulez. Mais pensez surtout à embarquer une cargaison de paracétamol pour rejoindre Japan Expo le mois prochain, vous en aurez bien besoin. Et si vous me croisez, par hasard, à l’avant du live house, un filet de bave aux lèvres, de la mousse couleur saumon me sortant des oreilles, à répéter comme un abruti je ne sais quelle succession de syllabes sans queue ni tête… par pitié, soyez sympa : achevez-moi !

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