Critique découverte : Heavenstamp – Waterfall (EP)

Voilà bien longtemps qu’un groupe de rock mixte n’avait pas attiré mon attention, aussi malgré le peu de choses à raconter à son sujet à ce jour, je ne pouvais pas faire l’impasse. Heavenstamp, c’est son nom, est un quatuor formé en 2009 et composé de la chanteuse et guitariste Sally#Cinnamon, de Tomoya.S à la guitare, Shikichin à la basse et une fille, Mika, à la batterie. Après des débuts sur le label indépendant Goldtone Records avec notamment un EP intitulé Hype, Heavenstamp est rapidement signé par Warner Music Japan, qui voit en ce groupe une formation très prometteuse. Un premier EP sort en mai 2011, intitulé Stand by you, dans lequel le quatuor a les honneurs d’un remix signé 80KIDZ. La chanson-titre m’avait fait très bonne impression lorsque je l’ai découverte sur Youtube, complètement par hasard. Et c’est donc avec curiosité que je guettais la sortie de Waterfall, le nouvel EP de Heavenstamp, sorti il y a quelques semaines.

Le verdict est assez clair : Waterfall est la confirmation d’un potentiel vraiment intéressant. Le groupe possède un profil qui regroupe des qualités assez simples, mais dont la combinaison est finalement assez rare : un vrai son de groupe de rock indépendant, avec l’état d’esprit qui va avec, tout en étant porté par une voix facilement identifiable et donc commercialement exploitable, et des compositions à la structure relativement standard. J’en vois déjà afficher leur déception, et pourtant il n’y a vraiment pas de quoi.

Je lisais récemment sur Ongaku Dojo une présentation du groupe qui le comparait à Judy and Mary, et je ne peux que confirmer la pertinence de cette comparaison. Si toute la communication se prévaut d’influences exclusivement anglo-saxonnes comme The White Stripes ou My Bloody Valentine, il y a assurément dans les travaux d’Heavenstamp un héritage de ce groupe de rock mythique des années 90 (notamment connu pour le non moins emblématique générique Sobakasu de l’anime Rurouni Kenshin), tant dans l’interprétation de Sally qui rappelle les accents de YUKI (depuis partie dans une aventure solo que certains d’entre vous suivent de longue date) que dans les compositions et arrangements qui laissent la part belle aux effets de distorsion des guitares saturées, aux lignes de basse sensuelles, et à la résonance de la batterie.

Waterfall est un hymne, une véritable démonstration de force de la part du quatuor, un titre garage rock sombre et planant au refrain porteur et très charismatique, non sans rappeler les travaux d’un autre groupe phare de la scène japonaise : the pillows, particulièrement dans la manière dont les choeurs viennent supporter la voix lead. Sally y fait l’étalage d’un panel de nuances intéressant, suave et grave sur l’intro, plus aigu, puissant et nasal sur les refrains. Quant à la composition, elle laisse une grande place aux portions instrumentales, renforçant d’autant le côté immersif du morceau, un peu à la manière de ce que faisait Nichika (mais si, vous savez, ce groupe dont j’ai pas arrêté de parler pendant 2 ans, sans réussir à intéresser personne…!).

Heavenstamp

En face B, on trouve tout d’abord I don’t fall, une chanson au tempo plus rapide, à l’atmosphère plus industrielle, portée par une ligne de basse ravageuse, une batterie explosée bien comme il faut en arrière plan, et de la distorsion à ne plus savoir qu’en faire. Là encore, Sally marque un petit paquet de points du côté de l’interprétation : l’artiste chante, rit, braille même, contribuant de façon déterminante à donner de la personnalité à ce morceau qui ne réinvente rien sur le papier. Plus low tempo, construite sur une boucle à partir d’un rif là aussi typique du garage rock anglais, Hellfly combine elle aussi les qualités décrites plus haut, tout en diversifiant la palette de genres présentée par Heavenstamp dans son appropriation de ses influences britanniques. Bref, du très bon boulot !

Heavenstamp est une de ces découvertes qui font vraiment beaucoup de bien. En choisissant de revendiquer son inspiration dans le rock indépendant anglais, et en le faisant bien, le quatuor se démarque de la production indies japonaise, certes foisonnante mais qui a du mal à sortir de ses poncifs. L’exemple de Superfly démontre qu’il est parfaitement possible d’évoluer avec un son typique emprunté à un autre lieu, une autre époque, sans pour autant tourner en rond. Gageons donc que Heavenstamp saura faire de cette identité marquée une liberté plutôt qu’une prison. D’autant que la touche japonaise est bien présente, avec une part belle faite à l’efficacité des mélodies, et bien sûr ce timbre de voix caractéristique d’une certaine classe de chanteuses japonaises que je me plais à nommer « les brailleuses ». Tout en étant loin de de se limiter à ça, Sally se défend plutôt bien dans le genre, et si elle n’a pas le timbre délicieusement exubérant d’une YUKI, elle fait preuve de suffisamment de mesure pour ne pas risquer de donner des envies de meurtres à ceux qui, comme moi, sont réfractaires à certaines représentantes du genre comme Ai Ôtsuka ou Shiina Ringo… Le grand amateur de groupes mixtes que je suis ne peut que se réjouir, quoi qu’il en soit, de ce petit coup de pieds dans la fourmilière. Comptez sur moi pour suivre cela de très près !


Partagez et article avec vos amis !