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Critique album : the HIATUS – A World of Pandemonium

7 décembre 2011 Un commentaire

Takeshi Hosomi tenait déjà un rythme de sorties particulièrement soutenu au temps où il était le chanteur et leader d’ELLEGARDEN, avec le succès que l’on sait. Son émancipation voilà maintenant 4 ans n’a pas une seconde calmé ses ardeurs : au sein de son nouveau groupe the HIATUS, l’artiste nous présente son troisième album en trois ans. Un album qui confirme de façon spectaculaire une évolution déjà pressentie sur l’opus précédent, et qui inciterait presque à arrêter de regretter la séparation de ce qui était pourtant le meilleur groupe punk rock du paysage musical japonais.

S’il rêve sans doute du jour où on arrêtera de lui parler d’ELLEGARDEN, Hosomi a toutes les raisons de garder espoir, car ce troisième album de the HIATUS intitulé A World of Pandemonium a vraiment tout pour mériter une attention à part entière, tout en marquant une rupture cette fois consommée avec le style musical des débuts de son leader. En 2009, TRAsh We’d Love, premier opus de the HIATUS, donnait en quelque sorte l’impression d’être une compilation (homogène et bien fichue, tout de même) de tout un tas de morceaux rock qui, pour une raison ou pour une autre, n’avaient pas trouvé dans la discographie d’ELLEGARDEN l’espace ou la légitimité de s’épanouir librement. Les rythmiques étaient certes moins ravageuses, les arrangements certes plus orchestrés avec en particulier l’apparition d’un piano, mais les automatismes dans la diction, l’énergie, et bien sûr les guitares saturées et la batterie appuyée, omniprésentes, en disaient long. L’année suivante, ANOMALY ouvrait une brèche dans un registre plus alternatif, avec l’apparition de beaucoup plus d’effets, d’ambiances, dans un album globalement plus produit. Les instrumentales déchaînées étaient toujours de la partie, mais déjà Hosomi nuançait son jeu, commençait à abandonner ces accents californiens caractéristiques pour enrichir ses interprétations, donnant notamment naissance à un premier OVNI magistral dans la discographie de the HIATUS : Antibiotic, évoqué à l’époque de la sortie du single Insomnia.

Fantaisie héroïque

C’est indubitablement sur ce chemin que the HIATUS semble s’être engagé avec A World of Pandemonium, et l’on ne s’en plaindra pas. Le disque est surprenant, en premier lieu parce qu’il présente un univers, qu’il raconte une histoire, dans un registre rock alternatif aux accents progressifs. La fantaisie semble être le maître mot de la conception de cet album, tant dans les textes que dans les compositions et les arrangements. Premier constat probant et non des moindres : finies les pulsions adolescentes, les riffs de guitare électrique ont quasiment disparu du CD. Seuls trois titres peuvent dignement revendiquer la prépondérance des guitares, à savoir le single Bittersweet / Hatching Mayflies qui n’en reste pas moins assez planant, le pop-rock plaisant bien qu’assez conventionnel On Your Way Home qui clôture l’album, et le garage-rock industriel de Broccoli, plus proche de l’époque d’ANOMALY. Pour le reste, c’est la guitare folk, plus douce, qui a les faveurs de l’accompagnement, laissant ainsi de l’espace à toute une panoplie d’instruments qui viennent enrichir incroyablement la copie du groupe : flûte, hautbois, piano, violon, violoncelle, et bien bien d’autres, et c’est sans parler des percussions. A noter aussi l’irruption assumée de tout un tas de petits samples électroniques, qui imposent de souligner la qualité exceptionnelle du travail de mixage et de post-production, à des années-lumière du tout venant de ce que nous propose l’industrie musicale japonaise depuis de longues années. La fantaisie se retrouve aussi dans les rythmiques, la composition prenant tout un tas de libertés avec la mesure, tout en retombant toujours sur ses pieds.

Décrire de façon individuelle les différents titres du disque serait un challenge de haut vol qu’il semble difficile de relever. Mais il n’y a définitivement rien à jeter sur ce disque. Deerhounds, choisi pour la promotion de l’album, déroutera à coup sûr les ayatollahs du format couplet/refrain, mais est une bonne synthèse introductive de ce qu’est le reste du CD. Mes préférences vont à Superblock et ses inspirations neo-jazz ambient, dont l’indiscipline tranche avec la simplicité des bips sonores et notes de guitares égrainées par-ci par-là; The Tower and The Snake pour son histoire parfaitement mise en valeur par une instru immersive, hypnotique même; ou encore Shimmer et ses contrastes, la compo taillée pour le rock changeant complètement de visage avec un accompagnement très orchestral relevant du pur génie. Mention spéciale en tout cas, sur l’ensemble du CD, à Hosomi pour la variété des nuances de son interprétation, le gaillard a vraiment beaucoup bossé, il a notamment appris à se servir un peu plus de sa gorge et un peu moins de son nez, et l’on découvre alors qu’il est capable d’autre chose qu’une copie, certes brillante, mais totalement stéréotypique de ses confrères de la côte ouest américaine.

Finissons avec le coup de coeur de cet album, qui en est aussi la plus grande surprise : un featuring (double en réalité, puisque l’artiste invitée collabore aussi au titre On Your Way Home) ! C’est probablement la première fois que l’on entend la voix de Takeshi Hosomi mariée à une voix féminine, et quelle révélation ! L’heureuse élue se nomme Jamie Blake, et le choix n’est pas du au  hasard : la chanteuse travaille en effet avec le groupe The Rentals, dont le chanteur n’est autre que l’ex-bassiste de Weezer,  LE groupe de rock américain dont Hosomi est un auto-proclamé fan hardcore. Souls est un petit bijou folk, un pur moment de douceur et de magie né de la communion de deux grains de voix qui semblent nées pour sonner ensemble. La richesse des arrangements n’a d’égale que la composition de grande qualité, les couplets prenant respectivement des structures différentes, tandis que l’oreille de l’auditeur retombe sur ses pattes avec un refrain emblématique aux airs de farandole. Une chose est sûre : cette collaboration internationale est une ouverture pleine de promesses. La promesse d’un intérêt, peut-être, pour autre chose que le nippocentrisme (d’autant que l’album est intégralement en anglais, ce qui le rend on ne peut plus accessible). La promesse aussi, appuyée par l’ensemble de cet album, d’autres superbes moments de musique tant le génie créatif de Takeshi Hosomi semble avoir trouvé, en the HIATUS, un territoire de jeu incroyablement vaste et dont il reste encore beaucoup de recoins à explorer. Est-il besoin de dire que l’on attend la suite avec une immense impatience ?

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Un commentaire »

  • warmlikesnow a dit :

    Superbe chronique :)

    Un album surprenant, j’ai eu un peu de mal à « rentrer dedans » tellement je ne m’attendais pas à ça !

    En tout cas, ça fait plaisir de voir que Hosomi ne se repose pas que sur ses acquis, et surtout que the HIATUS est loin d’être un Ellegarden-bis (ou un Ellegarden de bas-étage pour certains).

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