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Critique album : Chihiro Onitsuka – Ken to kaede

14 juin 2011 Un commentaire

Mon ex-compère et estimé confrère (sauf pour son orthographe et ses manoeuvres masochistes purement destinées à faire de l’audience, m’enfin personne n’est parfait hein) Van a généralement un jugement très juste lorsqu’il s’agit d’évaluer les principales auteurs-compositeurs du marché. S’il a la bile un peu trop virulente au sujet de tout ce qui n’écrit pas ses paroles et sa musique soi-même, et s’il a le garde-à-vous bien trop facilement frétillant au moindre accord mineur gratté du bout des doigts par une asthmatique juchée sur le siège en cuir de son monte-escalier, pour ce qui est de KOKIA, de Chara, de Shiina Ringo, d’Akino Arai ou de Chihiro Onitsuka pour ne citer que les plus connues, son avis est une vraie référence. Et comme il est souvent plus réactif que moi, souvent plus connaisseur aussi, je m’abstiens régulièrement de m’exprimer à leur sujet pour ne pas faire double emploi. Ce qui vous épargnera notamment moult métaphores sur les asperges, les moules, les assiettes en porcelaine et les pots d’échappement quant au nouvel album de KOKIA, plus chiant qu’une compil de ballades de YUI écrites un jour de pluie d’automne après une rupture amoureuse, un curetage et un clafoutis raté. Je vais faire une exception toutefois avec le nouvel album de Chihiro Onitsuka, et ce pour une raison simple : pour une fois, je ne suis pas d’accord avec ce qui en a été dit par Van. Et comme ce que j’ai lu est symptomatique de mes divergences historiques avec lui, c’est l’occasion de réagir !


Chihiro Onitsuka est sans doute l’un des plus grands paradoxes de la scène musicale japonaise. D’un côté elle est l’une des voix les plus puissantes et une interprète parmi les plus talentueuses et les plus émouvantes de la scène musicale japonaise. De l’autre, c’est aussi une dépressive à tendance suicidaire, qui signe avec des têtes de mort, accro aux médicaments, habituée des services sociaux suite aux violences infligées par ses mauvaises fréquentations, accessoirement poisseuse au possible avec de soucis sérieux de cordes vocales qui ont malheureusement fortement entamé ses capacités. Je ne vais pas revenir sur son parcours ô combien riche en rebondissements, un parcours de victime qui, adjoint à sa personnalité bancale, en fait une parfaite cliente pour la verve de mon ami Van et son désamour pour les majors. En apprenant successivement que Chihiro venait de changer de maisons de disques, quittant Universal Music pour FORLIFE (à la réputation plus qualitative, m’enfin ça veut pas dire grand chose), et en apprenant dans la foulée que son nouvel album serait auto-produit, écrit et composé par elle-même, arrangé par des folkeux américains avec une petite tendance irlandaise sur les bords, j’aurais pu mettre mes bijoux de famille à couper que Van encenserait au moins le concept, et très probablement le disque, quoi qu’il vaille. C’est effectivement ce qui s’est passé, et en tant que fan de la première heure et également fin connaisseur de la carrière de Chihiro, je tiens à faire part de ma plus totale désapprobation. Van, sur ce coup, tu chies dans la colle, na !

Depuis son « grand » retour qui s’était avéré tellement décevant sur le plan vocal (tout de même un point crucial pour une chanteuse dite « à voix » dont la discographie est faire de ballades-fleuves au potentiel émotionnel énorme), Chihiro avait montré des signes très encourageants de reprise. Certes ses capacités de chant sont altérées, mais l’album DOROTHY m’avait franchement rassuré sur sa capacité à nous livrer tout de même des prestations satisfaisantes, avec des compositions adaptées à ses faiblesses et toujours servies par une interprétation convaincante. L’album était particulièrement bien produit, bien sonorisé, bien composé, et regorgeait de très bons morceaux variés et ambitieux : A WHITE WHALE IN A QUIET DREAM dans un a capella solennel sur percussions; Kagerou, Hotaru et Kaerimichi wo nakushite en ballades classiques mais riches et très réussies démontrant que Chihiro sait toujours très bien tirer sur la corde émotionnelle sans avoir besoin de brailler sur des notes haut-perchées, X dans un registre rock crédible et très bien mixé, un peu de folk aussi par-ci par-là, bref un retour aux sources ponctué d’un petit délire incongru avec STEAL THIS HEART et d’un seul gros raté avec I Pass By. Ce disque sonnait comme une promesse : celle d’une motivation, d’une envie, d’une inspiration enfin de retour et à même de laisser le talent de la chanteuse s’exprimer pleinement. Qu’il soit composé en grande partie par des intervenants extérieurs, publié par Universal et qu’il cherche à renouer avec le succès commercial d’antan n’en fait pas un mauvais disque, loin de là. J’aurais même tendance à dire qu’il se bonifie avec le temps…

A côté de ça, qu’est-ce que Chihiro nous propose ici ? Une ballade folk bien moins charismatique que celles de l’opus précédent avec Aoi Tori, une autre un peu plus pop-rock interprétée sans le moindre engagement avec Tsumi no mukou, gin no maku, un copier/collé des recettes de ses ballades fleuves sur Kohaku no yuki qui bizarrement ne prend pas (encore moins 1 ton en dessous de d’habitude), encore une ballade un peu plus pop-rock et tout juste correcte avec Yume kamoshirenai : du côté du low tempo, c’est franchement pas engageant. L’ensemble est tout juste sauvé par Boku wo wasurenaide, aux cordes sobres et à la dramaturgie agréablement pesée. Le syndrome de la patate chaude frappe plus que jamais sur WANNA BE A HAPPY WARRIOR, chanson folk lente sur guitare, qui serait probablement jolie chantée par quelqu’un qui ne donne pas l’impression d’être en train de s’empiffrer de hot dogs au coin du feu au fin fond d’une forêt du Colorado.

Côté pop-rock, ça casse pas non plus trois pattes à un Keita Tachibana. EVER AFTER s’écoute bien mais reste une soupe guitare-batterie-violons à l’orchestration piteuse qui évoque les méfaits les plus terribles des arrangeurs de chez Sony. Pour CANDY GIRL, Chihiro est allée piocher du côté de ses influences country dans l’interprétation, du côté du rock des années 80 pour les arrangements, et du côté de chez Swan pour la compo, avec un peu de synthé période Punky Brewster pour compléter le tout. D’aucuns diront que le mélange a du caractère et de l’audace, pour ma part je dirais que c’est une tentative de melting-pot louable mais ratée qui tient de la faute de goût et n’a pas grand intérêt. La seule piste du genre à réellement me convaincre est IRIS, qui ne révolutionne pas une seconde son monde mais a le mérite d’être efficace, avec des refrains porteurs, une rythmique équilibrée, une orchestration plus crédible et plus homogène. Et puis bizarrement aussi, je suis plutôt emballé par l’OVNI du CD, une version pop aux accents new wave du décalé mais assumé NEW AGE STRANGER qu’elle chantait bourrée sur son dernier single : à prendre au second degré, mais au moins c’est bien fait !

Restent donc les morceaux aux influences irlandaises. On commence avec An Fhigead Airgid, air traditionnel très lent et solennel essentiellement en piano-voix, chanté en gaëlique : super joli dans l’idée, mais là ce n’est plus une patate chaude qu’elle a dans la bouche Chihiro, c’est une charrette entière, qui l’oblige à sortir tous les sons par le nez en passant. Un gâchis monumental ! Quant à SUNNY ROSE, aux sonorités plus traditionnels avec guitare, low whistle et violons, elle sonne déjà beaucoup mieux, même s’il faudra décidément interdire à Chihiro de chanter en anglais parce que son accent nasillard, c’est définitivement pas possible.

Bilan : pas mal de morceaux quelconques, un ou deux qui sortent du lot, et des ambitions gâchées. Alors quand je lis les conneries (pardon, mais franchement, hein…) qui suivent, je ne peux que m’insurger :

Depuis son passage chez Universal, j’ai rapidement remarqué que les compositions de Chihiro n’étaient plus aussi efficaces et/ou inspirées qu’avant… Ici, j’avais peur et finalement j’ai été agréablement surpris par la qualité des compositions. Elle retrouve du punch pour notre plus grande plaisir…

Et bien il eût fallu être un peu moins précoce dans ton analyse l’ami, DOROTHY était un album efficace aux compos inspirées, qui été salué par la critique et a même valu à Chihiro de retrouver les faveurs de pas mal de disquaires indépendants. Alors que Ken to kaede est écoutable mais fin chiant, il comporte pas plus de deux morceaux avec un BPM de plus de 80 et un tant soit peu d’engagement dans l’interprétation, je ne sais pas où tu as vu du « punch » mon pote, mais je soupçonne que t’aies écrit ton texte sous acid avec ta compil de clips d’Amanda Lear en background video…

Et puis alors :

Chihiro Onitsuka prouve que rien n’est jamais perdu ! Elle nous sort un album vraiment superbe que je n’attendais vraiment pas et je suis vraiment aux anges de ce retour vers la qualité qui semblait l’avoir abandonnée… Superbe ! A acheter d’urgence !

Superbe ? Retour vers la qualité ? Que tu accordes mérite et attention aux travaux personnels, aux artistes qui ne se contentent pas de poser leur voix sur les compos interchangeables des autres, aux démarches authentiques, ma foi, je le comprends et respecte tout à fait. Mais l’authenticité ne fait pas tout, ces gages de qualité ne sont que théoriques, nécessaires mais certainement pas suffisants. De la même manière que je suis régulièrement dépité de te voir encenser la moindre minaudeuse aux influences un peu folk et aux compos insipides au possible sous prétexte qu’elle les écrit elle-même, je ne peux que crier à la supercherie quand tu parles ici d’efficacité et de qualité là où Chihiro nous sort un album où il ne se passe rien, où l’interprétation est fade, l’anglais plus mauvais que ton français, et les bonnes intentions retombent pour la plupart comme des soufflés. Ou quand tu parles de maturité et de personnalité adulte là où je ne vois qu’une faiblesse qui n’est plus contournée intelligemment (non parce qu’en plus, Chihiro chante ici plus faux que jamais…). Non vraiment, je sais pas si tu te rends compte, mais dans l’état d’esprit qui est le tien, si t’étais japonais fan de musique française, je te verrrais bien faire une chanson de la semaine sur ta découverte enthousiaste d’une artiste paumée, tout droit sortie d’un petit village de Lorraine (L’Hopital, ça ne s’invente pas), qui fait tout elle-même dans son salon avec son mari, et livre des compositions géniales, parfois hallucinéées, avec une voix puissante qui n’a presque rien à envier à celle de Céline Dion, et dont l’album est une tuerie à acheter de toute urgence : Cindy Sander… V’là la crédibilité, et c’est pourtant exactement ce que tu fais !

Allez revenons à nos moutons : il y a au moins un motif de satisfaction là dedans, c’est que Chihiro s’est remise au travail. Et je suis au moins d’accord avec van sur un point : avec Chihiro rien n’est jamais perdu, et un raté ne présage en rien de la qualité de ce qui suivra. Vivement le prochain, donc…

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Un commentaire »

  • balsa a dit :

    mon opinion se situe entre vous deux… de prime abord, j’ai été énormément séduit par ce dernier opus, le poids de l’attente sans doute et l’effet immédiat de quelques titres rassurants comme Aoi Tori ou An Fhigead Airgid… puis Candy girl et surtout New Age Stranger ont commencé à m’agacer. Alors, je me suis refait Dorothy. Conclusion: c’était un meilleur album et en dépit du très pénible Steal this heart qui fait tâhce sur Dorothy, aucun titre de Ken to kaede n’arrive à la hauteur de Kagerou, Hotaru ou Kaerimichi wo nakushite. Acabi acaba et voila

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