Rina Aiuchi, 30 ans, à la retraite

Voilà deux jours que je me retiens de faire encore un vilain billet sur la malédiction du van qui touche cette année les groupes Visual Kei (suis sûr que Van n’en espérait pas tant ! ), mais comme je me rends compte que parmi toutes les idées de billet qui restent en stand by depuis des semaines je n’ai sorti que ceux qui n’étaient pas très gentils, je vais calmer un peu le jeu. Et disserter deux minutes sur Rina Aiuchi, laquelle a annoncé sa retraite aujourd’hui, en évitant, c’est promis, les jeux de mots et autres moqueries qu’il serait pourtant teeeeeeeeellement facile de produire à l’encontre de sa carrière comme de son personnage.

Rina Aiuchi vient donc d’annoncer, un peu à la surprise générale, la fin de sa carrière de chanteuse. Tout juste âgée de 30 ans, l’artiste avait à son actif 35 singles (physiques et digitaux confondus), 7 albums, 4 compilations et quelques collaborations. Présentée comme une artiste à la voix exceptionnelle couvrant 5 octaves, Rina n’est en fait, objectivement, qu’une artiste pop sans grande originalité, dont les quelques talents ont été lissés par le rouleau compresseur à guimauve de son label, Giza Studio. Les rares chansons de Rina qui sont vaguement passées à la postérité restent ses génériques de dessin animé, un peu comme pour tous les autres artistes GIZA : sans Meitantei Conan et autres Mär Heaven, il est probable que cette retraite serait arrivée bien plus tôt que prévu.

Pour comprendre qui est Rina Aiuchi, il faut en fait revenir en arrière, à l’époque de ses débuts. Quelques mois plus tôt, le label Giza Studio affilié au Being Group (B’z, Zard…) avait fait une entrée fracassante sur le marché en lançant une jeune artiste, Mai Kuraki, afin de surfer sur le succès phénoménal de Hikaru Utada. Tout comme Hikki, Mai débarque avec une caution américaine (fabriquée de toute pièce) : son premier single n’est sorti qu’aux Etats-Unis, où il a réussi le prodige d’entrer dans le top100 de je ne sais plus quel classement anecdotique. Dans un registre RnB plus léger (et sans doute plus japonais aussi, avec des mélodies efficaces mais aussi des moyens bien plus caricaturaux dans l’orchestration) que les premières productions de Hikki, Mai fait dès son premier single un véritable carton au Japon, et l’on oublie bien vite la comparaison avec Hikaru Utada pour lui conférer une identité propre. Mai reste considérée comme l’une des précurseurs de ce qu’on a appelé pendant des années le « RnB à la japonaise ». En 2000, le premier album de Mai Kuraki est la meilleure vente d’album de l’année, et bien que ses ventes aient depuis monstrueusement décliné, à ce jour tous les singles de l’artiste (au nombre de 34) se sont classés dans le top10 à l’Oricon.

Sauf que… 2000, c’est aussi l’année où le phénomène Ayumi Hamasaki explose véritablement. La popstar a déjà quelques succès à son actif, mais c’est à ce moment que son statut de reine de la pop s’affirme. Et là encore, Giza ne veut pas regarder passer le train sans réagir. C’est ainsi qu’en mars 2000, Rina Aiuchi fait ses débuts dans un registre qui rappelle énormément Ayu : synthés à tout va, rythmique dance, et un personnage doté lui aussi de grands yeux débridés, ainsi que d’une voix parlée suraigüe et nasillarde au possible (mais soyons clairs, Rina chante incontestablement plus juste en live qu’Ayu…).

Quelques sorties plus tard, c’est le premier vrai succès avec Koi wa Thrill, Shock, Suspense, générique de l’anime Meitantei Conan qui à l’époque est l’un des plus regardés du paysage audiovisuel nippon. Au top de sa popularité, Rina Aiuchi s’offre deux albums n°1 au top Oricon : POWER OF WORDS en 2002 et A.I.R en 2003, sans toutefois arriver à la cheville des chiffres faramineux de sa rivale. Parmi ses titres les plus emblématiques : NAVY BLUE, Deep Freeze, mais aussi et surtout FULL JUMP, bizarrement pas l’un des plus vendus en dépit d’une popularité réelle  :

En 2003, le marché Jpop évolue, les ventes commencent à baisser, les influences occidentales se font de plus en plus ressentir, et les maisons de disque japonaises cherchent la bonne formule pour s’adapter. Mais en se renfermant sur elle-même avec toujours les mêmes compositeurs, toujours les mêmes arrangeurs, les mêmes jaquettes de CD formatées et les mêmes partenariats commerciaux, Giza Studio ne parvient pas à se renouveler. Rina Aiuchi fera alors diverses expérimentations, en se raccrochant tout de même régulièrement à ses fondamentaux, pour un résultat qui sonnera irrémédiablement désuet. Victime de ce syndrome Giza, la chanteuse poursuivra alors doucement mais sûrement sur sa pente savonneuse, au même titre que Mai Kuraki à la même époque. Ses derniers singles en date n’atteignaient même plus la dizaine de milliers d’exemplaires vendus; autant dire que le public n’a pas vraiment attendu qu’elle annonce sa retraite pour l’oublier. Mais plus que Rina elle-même, c’est bien le symbole de la fin d’une époque qu’il faut observer ici.

Désireuse de « repartir à zéro avec son corps et son esprit », Rina Aiuchi met donc aujourd’hui fin à sa carrière, tandis que des problèmes de santé sont invoqués par les media pour expliquer ce départ précipité. Une explication qui se tient, parce que ce n’est certainement pas l’argument des ventes, aussi désastreuses pour la plupart de ses artistes, qui a poussé Giza à se débarrasser de celle qui restait l’une de ses moins mauvaises gagneuses…

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