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Hors série « Japan Pop » de Courrier International

17 avril 2010 12 Commentaires

Fou ce que le temps passe vite. J’ai des tas de critiques CDs en retard, même pas encore parlé du live d’Utada, et ce n’est pas encore pour tout de suite, je croule sous le boulot jusqu’au moins fin avril… Du coup, je prends juste le temps de poster ici un billet que j’avais rédigé vite fait dans un train entre Strasbourg et Metz il y a déjà 3 semaines… Tanja évoquait il y a quelques temps sur son blog la sortie du hors-série de Courrier International consacré à la culture pop japonaise, et je vous en recommande à mon tour la lecture !

Une centaine de pages dont 25 de manga (+un chapitre de Ashita no Joe broché à l’intérieur) pour 7€90, l’addition est certes un peu salée, surtout quand on connaît le concept de Courrier International qui est de traduire des articles tirés de journaux du monde entier, n’imposant par conséquent pas l’entretien d’une équipe rédactionnelle conséquente. Ceci étant dit, je vous le recommande donc chaudement, à plus d’un titre.

Le sommaire tout d’abord a l’infini mérite d’être varié et de ne pas tomber dans la facilité. Certes, le mag débute par un article bateau au possible où un journaliste américain évoque un Japon qu’il ne connaît que par les habituels clichés : Takeshi Kitano, Hello Kitty et autres Hayao Miyazaki ne sont clairement pas les gages d’une grande expertise, mais ce sera sans doute une bonne introduction pour les lecteurs qui abordent cette thématique sous un oeil plus profane que celui du traditionnel public nippophile. On retrouve d’ailleurs Kitano et Miyazaki un peu plus loin sous un angle plus étudié : le premier pour une interview, le second dans le cadre d’un article revenant notamment sur la préoccupation écologique qui transparaît de ses oeuvres. Au rayon des incontournables, Nintendo est également à l’honneur à travers un papier consacré au changement de stratégie à l’origine du succès de la Wii et de la DS, et Haruki Murakami pour le succès colossal de son dernier ouvrage, 1Q84. Côté manga, on retrouve une interview intéressante de Shuho Sato (Say Hello To Black Jack) où il évoque ses récents déboires éditoriaux à l’heure où il se lance dans la publication de ses manga sur le web, ainsi qu’une critique de Ikigami. Et puis en vrac, des sujets moins médiatiques, avec un portfolio sympathique, un papier sur l’évolution de l’offre commerciale à Akihabara, deux sur la thématique du travail et le phénomène des freeters, sans oublier les jeunes qui se détournent des marques de luxe, les robots, la littérature sur téléphone, la série de films emblématiques Otoko wa tsurai, la décentralisation, le retour à la solidarité et à la terre, ou encore les travaux de l’auteur Keiichiro Hiiano et son concept de « dividualisme ».

La musique est malheureusement assez peu représentée, puisqu’elle n’est déclinée que sur une petite page consacrée au rockeur Kiyoshiro Imawano. L’article présente l’artiste comme une légende à laquelle la jeune génération semble devoir l’essentiel de sa liberté de parole, ou qui serait du moins le fer de lance d’une écriture instaurant un dialogue avec les auditeurs, voire même parfois une contestation. L’importance que l’auteur (français !) de l’article confère à Imawano me dépasse un peu j’avoue, dans la mesure où je ne le connais personnellement que très peu, où je sais qu’une immense partie du public français amateur de musique japonaise n’en a jamais entendu parler, et où je ne suis même pas persuadé que la jeune génération nippone en ait quoi que ce soit à faire. Il n’empêche qu’une page citant côte à côte des références comme Cocco, Sambomaster ou Dragon Ash dans un journal français, spécialisé ou non, je ne suis pas sûr qu’on ait déjà vu ça dans les kiosques de l’Hexagone.

L’intérêt principal de ce hors-série, c’est qu’il joue très finement avec ses cibles potentielles pour donner naissance à un contenu intéressant et cohérent à même de toucher un panel assez large de publics. Bien sûr, les habituels sujets incontournables sont de la partie, et chaque article est même accompagné de macarons présentant une sélection de manga, donnant une coloration très accessible au fan lambda comme au néophyte qui s’intéresse à la surface la plus commerciale du phénomène. Mais le contenu du magazine est loin de se résumer à cela. Le journal se démarque en effet par un traitement résolument d’actualité, y compris pour les sujets les plus bateaux : pas ou peu d’articles de présentation globale d’une thématique, d’une personnalité ou d’un concept, non : tous les articles s’orientent rapidement vers un angle d’attaque précis et actuel, tout en restant très accessible au grand public : coup de chapeau donc à la sélection éditoriale. Et puis au travers du prisme de cette culture pop nippone qui est tant à la mode en ce moment, et dont la représentation ici n’a toutefois rien d’un prétexte, c’est surtout les mutations de la société japonaise qui sont dépeintes. Une invitation à une réflexion de fond qui connecte directement oeuvres et concepts à la réalité. Certes, ce n’est pas en une page ou deux qu’on rentre dans une analyse poussée, mais ce n’est de toute façon pas le but : ce qu’offre ici Courrier International c’est une série de fenêtres sur des problématiques qu’il appartient ensuite aux lecteurs d’approfondir. Chose que vous ne risquez pas de trouver dans MADE IN JAPAN, Coyote Mag ou même je ne sais quel journal français de la presse traditionnelle qui boucherait un trou dans sa maquette avec un article opportuniste rédigé par un stagiaire n’y connaissant pas grand chose (ou pire, un journaleux pompeux empressé d’étaler ses connaissances d’une culture à la mode, sans avoir conscience de l’étroitesse de sa vision des choses).

La réflexion que je me suis faite à la lecture de ce hors-série, c’est qu’il est quand même sacrément dommage de devoir attendre qu’une bonne âme vienne collecter des articles écrits par des rédacteurs étrangers pour avoir droit à une publication digne d’intérêt dans l’Hexagone. Voilà un triste constat d’incompétence, ou du moins de mauvaise exploitation de compétences, car des gens compétents pour parler du Japon en France, il y en a. La plupart d’entre eux se cache toutefois sur le web, ou a migré vers le Japon depuis de longues années. Et la presse traditionnelle est encore bien trop hautaine pour aller s’abaisser à recruter des spécialistes sur de sombres blogs ou portails dont l’exploitation au quotidien ne remplacera jamais quelques années de glandouille sur les bancs d’une école et un stage à la rubrique chiens écrasés du quotidien local. Pourtant il suffit d’une petite étude de marché pour comprendre qu’il serait sans doute très profitable aux organes de presse et autres éditeurs français de s’intéresser d’un peu plus près à la thématique pop japonaise, sous un angle un peu plus culturel et moins opportuniste face aux épiphénomènes. Car il existe aujourd’hui toute une génération d’ados et jeunes adultes qui, sans forcément être ces fans purs et durs qui arpentent les allées de Japan Expo pour mendier des free hugs à leurs amis cosplayeurs, a grandi avec une sensibilité et des valeurs plus ou moins influencées par l’omniprésence du manga, de l’anime et du jeu video dans ses habitudes de consommation. Et dans quelques années, ce public arrivera massivement à un âge où il sera susceptible de lire avec intérêt ou curiosité des écrits de fond, relatifs à des thèmes de société. Ces mêmes écrits qu’il serait sans doute bon de multiplier dès maintenant à destination des parents de ces jeunes, qui aimeraient sans doute pouvoir comprendre un peu mieux un engouement qui les dépasse parfois complètement…

Toujours est-il que ce magazine a fait renaître chez moi une sensation qui s’était un peu mise en hibernation depuis pas mal de mois :  l’envie d’écrire. Pas simplement de la critique de CD, mais d’écrire quelque chose de plus consistant, de plus travaillé, de plus analytique et abouti. J’ai déjà quelques projets en ce sens sur lesquels j’entends me remettre au travail. Et j’en profite pour faire acte de candidature : si l’un de vous, qui m’aurait trouvé plus ou moins par hasard sur google, recherche un rédacteur spécialisé sur la culture pop et le marché de l’entertainment japonais (musique notamment, mais pas seulement), j’étudierai avec intérêt toutes les propositions sérieuses !

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12 Commentaires »

  • lauren a dit :

    Et j’en profite pour faire acte de candidature : si l’un de vous, qui m’aurait trouvé plus ou moins par hasard sur google, recherche un rédacteur spécialisé sur la culture pop et le marché de l’entertainment japonais.

    Si tu trouves une place, fais signe, j’achèterai direct le magazine.

    • Kakay a dit :

      Enfin un nouvel article… Mais malheureusement, pas aussi intéressant que j’aurais aimé, car ne traitant pas de la J-Pop… J’aurais adoré apprendre un nouveau truc hallucinant sur le monde de la J-Pop, ou une grosse sortie, ou un gros dossier style analyse du marché, etc… Ce sera pour bientôt j’espère! ^^

      • Kaykay a dit :

        Humpf, mon surnom c’est pas Kakay mais Kaykay, désolé pour l’erreur XD

        • balsa a dit :

          c’est sûr que le mag fourmille de clichés et de rendez-vous convenus mais pour l’avoir parcouru en diagonale, bravo quand même, bel effort et certains articles ont l’air bien intéressants.
          Merci pour l’info, je serais passé à côté sans ton post. :)

          • Sailor Ocean a dit :

            Hmmmm intéressant. J’essaierai d’y jeter un coup d’oeil !

            J’ai entendu parler de Kiyoshiro Imawano pour la première fois il y a deux jours seulement… Parce qu’une de ses chansons seront l’ending d’un film de Johnny’s (lol).

            • Sailor Ocean a dit :

              sera*
              Pardon, fatigue oblige u_u.

              • Prisca a dit :

                Eh ben du coup je l’ai acheté!! merci pour cet article et l’info!!

                • Plumsunday a dit :

                  Encore un excellent article que j’ai pris plaisir à lire. En plus, tu m’as convaincu d’acheter ce fameux hors-série (j’avais crié vade retro satanas en voyant son prix).
                  Je confirme donc : recruteurs, qu’attendez-vous pour lui filer du boulot ??!

                  • pas convaincu a dit :

                    c’est pas malin de promouvoir une édition qui s’appelle « pop japan » et qui ne parle pas du tout de pop …! De pop la musique. Bien sûr ils parlent du j-rock, qui fai tpartie de la pop music, mais comme prévu on pouvait toujours courir pour entendr eparler des icones de la pop pure… les idoles féminines de la j-pop ont du sembler trop gay, immatures ou tout simplement féminines, aux journalistes occidentaux du Courrier International, coincés et vivant bouffés par les clichés et les préjugés, heuresuement plus que la société à qui ils essaient de vendre leurs torchons. Ils seraient d’ailleurs surement tout aussi réticents de faire un article sur Lady Gaga ou Madonna, qui cartonnent pourtant dans nos pays. Non le rock c’est mieux …! c’est plus tendance, et plus crédible …! Ils ont le droit de se mettre le doigt de bobo auto-satisfait dans l’oeil jusqu’au fond, c’est pas des pros du japon après tout. Mais un blog sur la j-pop en a-il le droit lui ? Bien sûr que non.

                    • Shito (author) a dit :

                      Je pense que pour le coup c’est toi qui pêches par mauvaise interprétation.

                      Ici il s’agit de culture pop japonaise dans son ensemble, et je pense que bien qu’implicite c’était assez clair tant dans le sommaire du mag que dans mon article, je pense pas qu’on puisse parler de tromperie pour la marchandise, ni d’usurpation.

                      Avant de désigner un style musical, le mot « pop » à un sens beaucoup plus large que ça, son usage comme qualificatif musical n’en est qu’une particularisation. Y aurait eu marqué Jpop encore, je dis pas. Mais Japan Pop plutôt que Jpop, ça me semblait clair, surtout avec un sous-titre comme « Manga, Cinéma, Mode ».

                      • Epikt a dit :

                        Un peu en retard, je ne suis pas convaincu non plus.
                        Pas parce qu’on n’y parle pas de (musique) pop, je te rassure ^^

                        Mais parce qu’encore une fois on nous peint le Japon à travers sa production culturelle ; le numéro tout entier semble vouloir appliquer à la lettre le titre d’un des articles, « le manga, gigantesque miroir de la société ». Illustrer chaque article avec des manga part d’un bon sentiment, mais cela ne fait qu’enfoncer le clou. Il importe alors peu que les articles ne soit pas inintéressants, c’est la ligne éditoriale que je conteste. De plus, je trouve l’ensemble foutrac.
                        En fin de compte, je me demande quel est cet « autre Japon » que nous vend la couverture, puisque c’est toujours ce même Japon qui nous est présenté. Je cherche donc toujours un mag pour nous faire un spécial Japon qui traite « autrement » du Japon.

                        (après tu pourras m’objecter que je n’avais qu’à le feuilleter avant de l’acheter, ou tout simplement mieux lire le titre)

                        • Claude Leblanc a dit :

                          Kiyoshiro Imawano est loin d’être un inconnu des Japonais quelle que soit la classe d’âge (à l’exception des moins de 10 ans peut-être). Pour s’en convaincre, il suffit de voir le couverture médiatique (presse, tv, radio) au Japon que sa disparition a provoquée en mai 2009. Il a influencé et influence encore de nombreux artistes au Japon.

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