Critique mini-album : Ayumi Hamasaki – again

Pauvre Ayu, elle me fait franchement de la peine… Et ses fans n’ont pas tardé non plus à exprimer leur désappointement solidaire. Car voilà, quelques jours après la sortie de again, le nouveau mini-album d’Ayumi Hamasaki (la deuxième d’une série de cinq prévues au rythme d’une par mois) les chiffres de ventes sont absolument catastrophiques. Et ce alors même que les fans (français notamment, galvanisés par le récent passage de l’artiste à Paris) n’ont pas manqué d’encenser les quatre titres inédits et la ribambelle de remixes qui figurent sur le CD. L’ex-Reine de la pop semble aujourd’hui, quoi qu’elle fasse, condamnée à dériver pas à pas, inexorablement, vers les profondeurs abyssales de la has-beenitude. Un sort que je trouve un tout petit peu injuste je dois dire, même si l’accumulation des maladresses est parfois telle qu’on se demande s’il n’y aurait pas là une forme d’auto-sabordage sous couvert d’acte manqué…

Il n’y a aujourd’hui plus personne pour oser proclamer qu’Ayumi Hamasaki règne encore sur la pop féminine nippone : si tant est qu’il existe encore, le sacro-saint titre de Jpop Queen est retourné dans la poche de Namie Amuro, dont la popularité semble insensible au snobisme odieux avec lequel elle évolue dans le paysage musical nippon. Ayu pour sa part ne bénéficie d’aucune faveur, ni même de la moindre indulgence. Avec LOVE, l’artiste tentait de relisser son image pour rassurer sa fanbase, mais s’est heurtée à une indifférence généralisée. La mise en scène progressive de sa love story adorable avec son Maro-chan de danseur n’aura pas non plus provoqué l’effet escompté : les media se sont en effet jetés comme des morts de faim sur le fait que le Maro en question n’est officiellement pas tout à fait libre… La disgrâce médiatique se traduit également sur le plan audiovisuel, où Ayu bénéficie d’une promo quasi-inexistante, voire contre-productive : on pourra ainsi légitimement se demander en quoi un live de SEASONS et un autre de Song 4 u trois semaines après la guerre vont venir soutenir les ventes de again… Le déclin accéléré subi par la chanteuse ne semble donc pas prêt de s’arrêter, et ce ne sont pas les stats de fin d’année, révélatrices notamment de classements bien en deçà des attentes sur les téléchargements légaux, qui vont arranger les choses.

Pourtant force est de constater qu’après les bonnes intentions décelées dans LOVE, again transforme plutôt bien l’essai. Au menu tout d’abord, Wake me up qui fait un peu dans le revival du sous-estimé album Party Queen. Acheté au studio britannique Phrased Differently, le titre est positivement agressif, avec un chant assez grave posé sur des synths industriels, et un refrain explosif qui se charge en guitares électriques histoire de pouvoir caser quelque part le mot « rock » dans les communiqués promotionnels. Mention spéciale à la rengaine « Wake up, wake up… » très efficace qui fait l’essentiel de la force de la chanson. Un bémol ? Et bien non, pas de bémol : il n’y a ni piano électrique, ni violons synthétiques, ni carillon nauséabond, car c’est tasuku qui est aux commandes des arrangements, et qu’il n’est pas usé jusqu’à la corde, lui. La preuve en piste 3 où il arrange également ce qui est, d’ailleurs, le scandale de ce disque : snowy kiss.

Snowy kiss, messie salvateur d’une discographie en berne

Pourquoi scandale ? Tout simplement parce que cette chanson aurait mérité une exposition beaucoup, beaucoup plus importante. Snowy kiss, c’est une bombe ! La meilleure chanson d’Ayumi Hamasaki depuis au moins Last Angel, probablement même depuis Sparkle (2009 donc). Et la meilleure composition de Tetsuya Komuro depuis au moins aussi longtemps, qui justifie à elle seule la petite fortune qu’avex a payée pour le faire sortir de prison. Le producteur est entré là en parfaite symbiose avec son interprète, en livrant une composition qui aurait été parfaitement taillée pour son groupe globe, et qu’Ayu délivre avec un engagement qui touche à la perfection, en grande fan de Keiko qu’elle est depuis toujours. Il s’agit d’un concept hybride entre ballade dramatique aux paroles tristes et morceau dance enlevé, fort de plusieurs changements de rythme, d’une excellente ligne de basse, d’un rythme très prenant, d’arrangements essentiellement électroniques léchés où même les sempiternels guitares électriques et violons font pour une fois très bon ménage. La force de TK est déjà de réussir à donner de l’intérêt aux couplets souvent insipides des chansons d’Ayu; mais surtout, surtout, quel refrain, là aussi explosif et absolument épique, avec en plus un plaisir prolongé sur une durée totale de plus de 6mn ! Bref, une vraie belle production pondue par un maître du genre qu’on est heureux de retrouver au sommet de son art, et qui pour ne rien gâcher fait l’objet d’un remix tout simplement surpuissant livré par Shohei Matsumoto un peu plus loin sur le CD : là aussi, le meilleur remix d’une chanson d’Ayu depuis de longues années !

Pour dire combien Snowy kiss m’a réjoui, rendez-vous compte que les inévitables gâchis signés par Yuta Nakano aux arrangements de Sweet Scar et Ivy m’en touchent une sans même faire bouger l’autre. Sweet Scar et son abominable piano électrique sur une compo chiantissime du vieillissant Nagao Dai aurait pourtant eu vite fait de me faire dégoupiller un stock de grenades. Et surtout, je n’aurais pas donné cher de mon clavier s’il avait fallu que j’y tape ce que je pense du sabotage éhonté auquel l’auto-caricature terrifiante de Nakano s’adonne sur Ivy, là où TK a offert une compo très réussie qui aurait pu être une grande ballade. Non vraiment, je ne supporte plus la manière dont ce guignol nous viole les tympans à la tronçonneuse à chaque nouvelle intervention, mais pour cette fois, je vais passer. Tout comme je passerai sur la pathétique version dubstep de Wake me up, la cheapissime version piano de Melody et le rendu décidément très désuet des versions « Orchestra » encore démontré sur Missing. Je vais même passer sur les trois clips pastello-romantico-mal joués au scénario inexistant et à la redondance éblouissante, en espérant qu’un jour avex comprenne qu’un bon clip percutant fait une promo bien plus efficace que trois vidéos sans budget totalement imbuvables. Tant d’indulgence m’étonne moi-même, aussi j’espère ne plus lire après cela que je suis trop dur avec cette pauvre Ayu…!

 

Même si je reste dubitatif quant à la pertinence marketing de renommer un maxi-single bien rempli en mini-album artificiellement gonflé de choses sans intérêt, je ne peux qu’admettre que j’aime le chemin que prend Ayumi Hamasaki avec cette série de sorties mensuelles. LOVE était plutôt bien pensé et aurait fait mouche s’il n’était le massacre perpétré par celui-dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom. again tape enfin dans le mille en proposant deux titres inédits (sur quatre) vraiment convaincants, dont l’un, en l’occurrence Snowy kiss, qui fera date dans la discographie de l’artiste. Il y a vraiment de quoi se réjouir de voir que Tetsuya Komuro est encore capable de placer de bonnes compos, et ça fait surtout énormément plaisir de voir qu’il y a encore des styles musicaux sur lesquels Ayu se montre franchement à son aise. J’avoue ne pas avoir la moindre idée de la stratégie qui permettrait de faire remonter la pente à la chanteuse, dont la popularité en chute libre ne semble plus pouvoir être sauvée. Espérons donc simplement que la lassitude du public lui donnera l’occasion de se libérer un peu de la pression des chiffres, pour jouer pourquoi pas un rôle plus avant-gardiste qui lui collerait assez bien…

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