Critique single : Kyary Pamyu Pamyu – Fashion Monster
Disons le clairement : après un premier semestre relativement enthousiasmant, on s’ennuie (pour rester poli) royalement en cette fin d’année 2012 sur le marché musical japonais. Certes, les AKB48 continuent d’exploser les records de ventes grâce à des stratégies marketing qui profitent sans vergogne de la tolérance pédopornographique culturellement cimentée dans l’entertainment nippon. Certes aussi, Arashi et autres boysbands de la Johnny’s Jimusho continuent d’alimenter également le top singles en résultats à 6 chiffres grâce à des techniques toujours plus innovantes (comme le costume transparent par exemple, un must de cette saison automne-hiver pour toutes les crevettes qui veulent se ridiculiser en exhibant de façon originale le parachute mal rempli qui leur sert de caleçon). Certes enfin, Mr.Children réussit à nouveau l’exploit insolent d’écouler des millions d’albums en exploitant encore et toujours les mêmes recettes soporifiques, au point qu’on va vraiment finir par se demander s’il n’y aurait pas quelque formule subliminale lobotomisante derrière ce succès incompréhensible. Mais franchement… tout ça… on n’en a un peu rien à foutre (oups, je ne serai pas resté poli longtemps !). Dans un contexte pareil, vous comprendrez aisément que j’ai accueilli l’annonce d’un nouveau single de Kyary Pamyu Pamyu comme on accueille le Messie, avec l’espoir que l’Humanité, au bord de l’asthénie, trouve en lui son Salut. J’exagère à peine !
Kyary Pamyu Pamyu en super-héroïne de la lutte contre l’ennui et la décrépitude, avouez, c’est un costume qui lui va bien non ? Son premier album, sorti il y a quelques mois, n’avait évidemment rien d’un bijou dont la qualité et la profondeur auraient pu inspirer et tirer vers le haut le reste du troupeau. Mais force est de constater qu’avec ses mélodies terroristes abrutissantes, ses costumes hallucinés et ses chorégraphies cocaïnées, Kyary a sorti de la torpeur une fanbase au bord de l’apoplexie, et permis en passant au paysage médiatique japonais de retrouver quelques couleurs (sacrément flashy d’ailleurs, les couleurs). Les media nippons avaient été un peu pris de court face au phénomène qui a suivi le buzz international autour du sacro-saint clip de PONPONPON, et n’ont pas su tirer pleinement profit du potentiel évènementiel évident du personnage. Parce que mieux vaut tard que jamais, ils ont donc mis les bouchées doubles avec la sortie de ce nouveau single, intitulé Fashion Monster. Kyary leur file un généreux coup de main dans l’histoire avec un visuel à nouveau très travaillé, dont la pierre angulaire est cette coiffure chauve-souris évidemment providentielle à quelques semaines d’une fête d’Halloween qui gagne en popularité dans l’archipel. Sauf que…
Un monstre qui ne fait peur à personne, et aura bien du mal à être à la mode
…sauf que le résultat est raté. La sauce ne prend pas. Mine de rien, derrière la popularité insolente des singles pourtant ô combien répétitifs issus de Pamyu Pamyu Revolution, il y avait une recette millimétrée à l’équilibre subtil appliquée avec le plus grand soin : une rythmique diaboliquement entraînante, des paroles dont le pouvoir entêtant résidait bien plus dans les jeux de sonorités et le charme de la diction que dans le sens (quasi-inexistant) du texte, et puis bien sûr ces mélodies electro-pop joyeuses aux arrangements pétillants signées par un Yasutaka Nakata sous perfusion de Dragibus. Evidemment la formule avait une durée de vie limitée, et il était nécessaire de la faire évoluer pour éviter de lasser. En ce sens l’intro de Fashion Monster avec sa batterie très présente et ses sonorités un peu plus graves qu’à l’accoutumée, s’avérait prometteuse.
Mais la montagne accouche d’une souris : les couplets perdent quelques degrés et troquent leur fraîcheur contre une réelle froideur avec une ligne mélodique terriblement monocorde et des samples 8bits pas franchement enthousiasmants, tandis que les refrains déçoivent bien plus encore. Exit ces fameuses paroles au pouvoir kawaii-sant finement ciselé qui se gravaient au fer rouge dans votre crâne : cette fois Kyary se contente de brailler, sans même y mettre l’énergie qu’il faut, son gimmick « Fashion Monsteeeeer » qui fait l’effet d’un coup de fer à repasser sur un morceau déjà trop lisse, trop insipide. Et si la construction de la chanson est certes un poil plus travaillée, ce n’est pas une seconde ce que l’on en attendait : un single de Kyary Pamyu Pamyu se doit d’être efficace, c’est tout ce qu’on lui demande, et sur ce plan c’est un échec total. Un échec qui n’est d’ailleurs pas sauvé par une face B totalement anecdotique, ni par l’adjonction promotionnelle opportuniste d’un medley des chansons du premier album et d’une version longue de Tsukema tsukeru qui n’apporte rien d’intéressant à la version originale.
Vous l’aurez compris, sur ce coup la super-héroïne n’a pas assuré. Sous ses faux-airs de Batgirl, Kyary tient ici plutôt de la fantomette de village, quelque part au fin fond du Cantal, un soir de pluie, genre dimanche de Novembre. Fashion Monster est un single chiant comme un été sans soleil, comme un pain au chocolat sans glaçage, comme un épisode de Glee sans une remarque WTF de Brittany, comme un clip de Kumi Koda sans chorégraphie en sous-tif, pire encore, comme un clip de Kana Nishino… tout court. L’avenir de l’Humanité est aujourd’hui plus incertain que jamais, d’autant que la-dite Kumi Koda s’est donné le temps de récupérer de son accouchement avec un nouveau clip 100% animation, que Namie Amuro a vu les célébrations évènementielles de son 20ème anniversaire anéanties par un typhon, et que la vague de sorties annoncée par Ayumi Hamasaki débute sous les pires auspices avec le retour en puissance probable du saboteur Yuta Nakano aux arrangements des chansons de son prochain mini-album. Allez gardons l’espoir, Kyary Pamyu Pamyu peut mieux peut mieux faire (pouet pouet), et nul doute qu’elle reviendra prochainement, plus forte que jamais, nous sauver des vilaines griffes (ou plutôt devrais-je dire des vilains sabots) du Gangnam Style. S’il ne nous a pas tous exterminés d’ici là…
L’efficacité telle que tu la conçois, c’est un peu comme un Big Mac (pour rester dans les métaphores culinaires que tu aimes tant).
Un Big Mac, c’est rapidement fabriqué, rapidement avalé. C’est fait pour être appétissant, c’est pas de la grande cuisine mais ça présente bien et ça sent bon. Le gout est toujours le même mais on s’en fiche, c’est pas cher, ça bourre le ventre : en un mot, c’est efficace.
(en passant, je me demande comment tu fais pour raffoler autant de la même nourriture depuis 10 ans et être aussi svelte)
Alors que tu attendais impatiemment un gros Big Mac bien gras de Kyary Pamyu Pamyu, voilà qu’elle remplace le sucre dans la sauce par du poivre, le steak par du chat bouilli et le pain par deux énormes bouts de pneu.
Bon je l’accorde, c’est un peu sec, ça cale pas et ça crisse sous la dent. Mais le gout est tellement plus profond, le sandwich tellement moins calorique et j’en pouvais tellement plus du Big Mac que je vais me resservir encore une fois.
Si je reste si svelte (merci du compliment), c’est sans doute que je sais varier mon alimentation, et non sombrer danss les affres de la malbouffe facile au quotidien.
J’ai simplement adopté un motto : avoir une alimentation variée et globalement saine, en m’autorisant des écarts de temps en temps. Mais quand je fais un écart, je le fais bien, pour ne pas développer la frustration. Je ne vais pas vraiment vers le BigMac, plutôt vers le Nutella, le cheesecake, le tiramisu et son mascarpone à 42% de matières grasses, ou une bonne choucroute, m’enfin ça revient au même.
J’avoue pour ma part n’avoir aucune attirance pour le chat bouilli, encore moins entre deux énormes bouts de pneu, ce qui aurait tendance à me conforter dans mon diagnostic sur ce single. Mais connaissant ton goût pour l’exploration des limites de la comestibilité, je ne saurais te tenir rigueur de ne pas partager mon opinion !